Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/241

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bien s’il y avait eu ou non un massacre général) s’étaient relevés convulsivement, et, rassemblant toutes leurs forces, s’étaient mis à courir après nous : aucun n’avait pu nous atteindre, soit faiblesse physique, soit cruauté de l’ennemi ; notre colonne avait pourtant alors ralenti sa marche d’elle-même, instinctivement, comme pour attendre.

Déjà nos caissons étaient surchargés de nouveaux malades mêlés aux convalescents ; le corps d’armée, en proie au plus sombre désespoir, avait, malgré sa lassitude, une fois en pleine marche, franchi peut-être deux lieues. La nécessité du repos l’arrêta sur le bord d’un gros ruisseau qui traverse les dépendances de la ferme du Jardin.

Le fils de Lopès, porté jusque-là sur un affût de canon et escorté de ses anciens compagnons de captivité au Paraguay, fut enterré sur la rive droite. Le père, qui s’était tenu à quelque distance de la fosse pendant qu’on la creusait, répondit, quand on vint lui dire que le sol était trop humide et même noyé d’eau : « Qu’importe à présent ! rendez à la terre ce qui lui appartient. »

Il revint peu après se mettre à côté de nous,