Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/240

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Regrets, remords, trouble d’esprit dans l’appréciation des motifs qui l’avaient fait agir et qu’il semblait débattre encore dans son cœur, lorsque déjà ses ordres étaient passés dans le domaine des faits accomplis : il avait la pâleur d’un spectre, s’arrêtant malgré lui pour écouter.

Quelque silencieux et mornes qu’eussent été les préparatifs, ce ne fut pas sans des cris, sans des bruits nouveaux pour l’oreille et dont la cause étonnait l’esprit, que le moment de la séparation arriva : il nous fut insupportable à tous. Nous laissions à l’ennemi plus de cent trente cholériques sous la protection d’un simple appel à sa générosité, par ces mots tracés en grosses lettres sur un écriteau fixé à un tronc d’arbre : « Grâce pour les cholériques ! »

Peu de temps après notre départ, et déjà hors de portée de la vue, un bruit de vive fusillade vint nous frapper tous au cœur ; et quelles clameurs sans nom n’entendîmes-nous pas ! nous n’osions pas nous regarder les uns les autres.

D’après ce que nous raconta par la suite un des pauvres abandonnés, sauvé par un miracle, plusieurs malades (il ne savait pas