Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/245

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sente encore. Ces splendeurs éternelles de la nature rendaient plus poignant encore pour nous le sentiment de notre ruine prochaine, et cette contemplation nous absorbait, quand un escadron paraguéen arriva au galop avec l’intention de couper quelque part notre ligne flottante et interrompue ; mais la halte qui se fit partout, comme d’elle-même, nous préserva de cette attaque.

Nous campions sur la place même, ayant franchi quatre lieues d’une marche harassante, privés comme nous l’avions été de nourriture et de sommeil : la nécessité nous portait ; nous entrâmes dans les enclos du réduit.

Le colonel Camisão, le lieutenant-colonel Juvencio et notre guide Lopès furent installés dans un hangar en ruine auprès duquel on alluma de grands feux pour tâcher de rétablir chez eux la chaleur. Des limons et quelques oranges qu’on leur apporta calmèrent un peu leur soif. Le docteur Gesteira voulut encore essayer d’un médicament pour le colonel : « Docteur, dit-il, allez aux soldats, ne vous fatiguez pas inutilement pour moi ; je suis un homme mort. » Son calme ne l’abandonna pas