Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/251

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le seul que n’eût pas encore atteint un principe de désorganisation, passât la rivière le plus tôt possible, et, allant garnir l’autre bord, empêchât que le verger ne fût mis au pillage, jusqu’à ce que lui-même pût s’y rendre, avait-il dit, et procéder à une juste distribution de ce qui s’y trouvait.

D’après cette détermination prudente, le capitaine José Rufino eut à faire passer ses hommes en masse. Il pensa d’abord à la construction d’un radeau ; mais les matériaux, et encore plus les ouvriers, manquaient. L’impatience le prit : il pouvait compter sur tout son monde fait à ses habitudes d’austère discipline, et qui ne savait que lui obéir ; il les vit lutter d’empressement à faciliter le passage de leurs officiers. Lui-même fut le premier à se placer dans un cuir relevé et attaché par les quatre pointes en forme de sac (ce qu’on nomme une pelote dans le pays), et qu’un nageur tire par une corde qu’il tient entre les dents. Il prit de la sorte la tête de toute cette masse d’hommes tumultueuse.

Nous ne les quittions pas des yeux. Quand ils furent au centre du courant, on les entendait encore, dans le bruit des eaux, s’encourager les