Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lard et de tous ses récits des magnificences de son verger.

Bientôt l’un des premiers explorateurs de ce lieu de promission, et qui, songeant à ses compagnons de misères, eut l’audace et le mérite de repasser l’eau sans retard, vint, par un récit animé de tout ce que nous avions devant nous, enflammer ceux qui avaient conservé quelque vigueur d’initiative. L’absence déjà trop sensible du chef laissant chacun à peu près libre, on se porta confusément au bord de l’eau pour tenter le passage. Beaucoup l’essayèrent : les plus faibles ou les plus malheureux, trahis par leurs forces, disparurent dans le courant ; d’autres, en plus grand nombre, revinrent à la rive d’où ils étaient partis, et, contemplant de là les heureux occupants du bord opposé, en conçurent une sorte de désespoir, qui faillit porter le coup suprême au faible reste de discipline survivant à tant de désastres.

Le commandant, sur le cuir même où il était étendu, presque à l’agonie, donnait encore des ordres ; les uns, il est vrai, incohérents et inexécutables, mais les autres lucides et pratiques. Il ordonna que le corps des chasseurs démontés,