Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malgré les pertes énormes que les maladies avaient causées, comptait encore, sur les bords du Paraguay, une armée d’une quarantaine de mille hommes ; il était le véritable vainqueur.

En raisonnant selon le cours ordinaire des choses humaines, on est tenté de croire que de pareils succès ont dû développer singulièrement l’orgueil des Brésiliens. Il n’en paraît rien cependant, et l’on ne voit par aucun symptôme que l’ivresse du triomphe leur ait porté au cerveau. Leurs relations avec leurs voisins et avec tout le monde sont aujourd’hui ce qu’elles étaient auparavant, comme s’il leur suffisait d’avoir maintenu la liberté de navigation sur les fleuves (ce qui était l’objet principal de la lutte pour les parties engagées), comme s’ils ne songeaient plus qu’à améliorer leur situation intérieure et à parer aux conséquences de l’abolition de l’esclavage : résultat indirect, mais non le moins estimable de la guerre. On dirait presque qu’ayant appris par l’expérience ce que peuvent coûter de sacrifices d’hommes et d’argent les fumées de la gloire militaire, ils les estiment pour ce qu’elles valent relativement au bonheur des peuples.