Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/80

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Les jours suivants se passèrent pour nous dans l’inaction et dans ce grave repos de la pensée qui est de la prudence à la veille des entreprises hasardeuses. On se doit à soi-même de ne pas se troubler par l’appréhension de malheurs qui peut-être ne se réaliseront pas, et de ne pas se livrer non plus à une confiance dans l’avenir, qui ajouterait à la catastrophe toute la rigueur de l’imprévu.

Avril. — Le mois marqué pour nos épreuves avait commencé. Notre service des vivres n’était nullement assuré, et cependant une sorte d’abondance semblait régner dans le camp. Une perpétuelle affluence de chariots y apportait, avec toutes sortes d’étoffes, d’autres objets de luxe que ces lieux déserts n’avaient certainement jamais vus ; aussi les femmes des soldats, attirées par ce mouvement commercial, descendaient-elles de Nioac, par groupes de plus en plus nombreux. La réputation de salubrité de la colonie de Miranda contribuait pour sa part à ce concours de monde : c’était là en effet que, longtemps avant l’invasion étrangère, le pays environnant envoyait ses convalescents et ses valétudinaires. La rivière y roule des eaux cris-