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Page:La Revue, volume 56, 1905.djvu/104

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veau, mais se rappelant que son propre fils à lui se battait aussi ce jour-là, pour la première fois, il rentra la lame dans le fourreau. En ce moment même une troupe d’hommes, à la suite de l’armée, passait rapidement sur le champ de bataille.

« Si je ne meurs pas de votre main », s’écria le jeune homme, « je trouverai une mort ignominieuse parmi ces maraudeurs. »

Alors Kumagaya le tua. Mais il en fut si affecté qu’à son retour chez lui, quoique victorieux, il refusa d’accepter aucun honneur, et ayant rasé sa tête, il partit pour un long pèlerinage, monté à califourchon sur une vache, et le dos constamment tourné à l’Orient, c’est-à-dire à l’avenir.

Plus authentiques, peut-être, sont quelques-unes des merveilleuses histoires de générosité entre ennemis, fréquentes dans la lutte historique que se livrèrent les tribus ou clans en combattant pour la prépondérance, à l’époque du grand conquérant Hideyoshi. Il y eût la querelle entre Uesugi Kenshin, le seigneur d’Echigo, et Takeda Shingen, le seigneur de Kai. La vraie cause en était due au mépris des préceptes d’hospitalité contenus dans le Bushido, car il n’y avait, en réalité, entre ces seigneurs, pas de puissants motifs de dissentiment privé ou politique.

Murakame Yoshikyo, un baron de Shinano, ayant été chassé de ses biens par Shingen, alla trouver Kenshin pour lui demander un refuge et se venger en usant de sa protection. Kenshin était sur son départ pour Kyoto, où il allait réclamer sa place parmi les conseillers du trône ; mais il se trouva que Murakame avait été un des ennemis les plus acharnés de son père et avait droit, pour cette cause, à l’hospitalité réclamée, qui impliquait, en vertu du Bushido, l’obligation de témoigner de la générosité envers un ennemi tombé. Kenshin ordonna aux troupes qui devaient l’accompagner à Kyoto de marcher sur Kai. À la tête de 10 000 hommes, il arriva inopinément au pied d’une montagne donnant accès à Kai. Ce passage n’était pas gardé, il n’y avait qu’une petite garnison de 800 hommes, sous le commandement de Katsuyori, l’héritier présomptif de Shingen, qui campait dans le voisinage. Semblable aux trois cents des Thermopyles, la brave troupe de Katsuyori s’élança dans le passage pour faire face à l’écrasante attaque de l’armée de Kenshin. Celui-ci fut saisi d’une telle admiration qu’il ordonna à ses troupes de faire volte-face, sans livrer bataille ; il les reconduisit par le chemin qu’elles avaient pris en venant, et se contenta de lancer dans les rangs de l’armée de Katsuyori une seule flèche entourée d’une missive en vers complimentant le jeune guerrier de sa valeur.

Dans la sanglante querelle qui suivit, ce même seigneur