Page:La Revue, volume 56, 1905.djvu/98

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avec des sabres de Samurai. Ses prouesses comme lutteur selon les règles du Jiu-jitsu, datent de sa jeunesse, quand, durant la guerre de Restauration, ayant reçu un coup de sabre à la jambe, il réussit à saisir, dans une lutte corps à corps, deux de ses adversaires qu’il entraîna avec lui, par dessus bord, dans une rivière, et seul il fut sauvé. Comme poète, il aurait été remarquable rien que par la courte et touchante poésie qu’il composa devant Port-Arthur, après la mort de son fils aîné. Cette poésie est devenue, depuis, un chant funèbre guerrier des plus connus au Japon ; elle est ainsi conçue :


« Désolé et triste est l’aspect qui frappe l’œil sur le champ de bataille, où un carnage a eu lieu récemment sur une étendue de plusieurs milles. L’air est encore rempli de l’odeur du sang qui trempa la terre.

« Et en m’arrêtant devant la forteresse de Kinchow sous les rayons du soleil couchant, les mots me manquent pour exprimer mes tristes pensées. Mais voyez donc, mon brave cheval de guerre même baisse la tête. »


D’innombrables poèmes ont chanté la gloire de Nogi et de ses fils tués sur le champ de bataille. En voici un qu’il a reçu de son pays natal, d’un inconnu sympathisant avec lui, qui le lui a adressé au Shado :


« Le frère aîné était le plus brave des braves, c’était Katsunori.
« Le cadet, Yasunori, était à la fois courageux et accompli.
« Leur père, le général, s’appelait Akinori. Il était ferme et indomptable.
« Quand l’un est rapporté mort chez toi, retarde ses funérailles, attends que les deux autres suivent, et ensevelis-les tous les trois dans un tombeau.
« Mourir en combattant est le sort commun à tous les guerriers.
« Là-bas, à Nanshan, dans l’ardeur de la lutte, le fils aîné est tombé en faisant face à l’ennemi.
« Ensuite, à Port-Arthur, quand les obus sifflaient,
« La branche cadette fut brisée et arrachée du vieux tronc


Le général Nogi, à ces nouvelles, conserva un visage aussi calme que jamais, sans laisser échapper un signe de tristesse, au milieu du deuil général.

Mais quelle ne fut pas l’agonie de cette mère suivant le char funèbre qui emportait son premier-né ? Sa douleur ne pouvait être plus grande que celle de la nation entière pleurant ses fils.

À une époque lointaine, il y avait déjà trois loyaux seigneurs