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revue indépendante

— Dame ! dit le brigadier en souriant, qu’est-ce que vous voulez ? Quand on n’a pas mieux…

Et, brusquement, se penchant sur la table et regardant la blonde dans les yeux :

— Dites-donc, vous ne vous embêtez pas ici ?

Florentine jette un coup d’œil sur le vieux qui fume toujours dans son coin, nous tournant le dos ; elle rapproche sa chaise de la table.

— Ça commence, dit-elle tout bas ; oui, ça commence. Non, vous savez, c’est rigolo, d’abord, quand on n’y est pas habituée, d’avoir un homme qui tient à vous, ça fait plaisir, ça flatte, quoi ! mais, à la fin, ce que ça devient saoulant !… Et puis, le vieux, il s’est mis à être jaloux… Pas moyen de fiche les pieds dehors sans qu’il me suive comme un caniche… Il ne veut plus recevoir de gradés ici ; il dit que les galons c’est pernicieux pour la fidélité ; un tas de sottises… Tout ça parce que l’adjudant du bataillon m’a causé deux ou trois fois ; il ne m’a pourtant jamais rien dit de mal, cet homme : des bêtises, des saloperies, ce qu’on peut dire à une femme…

Le gendarme nous fait un signe. Vendredeuil se lève.

— Si nous allions fabriquer la boustifaille, hein ? Je le suis vers le fourneau.

— Ça mord, me dit-il tout bas en allumant le feu. Tu sais, Baluffe a promis de payer un bon gueuleton si on ramenait la gonzesse. Maintenant, l’affaire est dans le sac. Florentine n’aura plus qu’à prévenir le vieux ce soir. Ce qu’il va faire une tête !

Pourvu qu’il ne fasse pas autre chose ! Je le regarde