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Page:La Revue anarchiste, année 2, numéro 19, 1923.djvu/16

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POUR LA DÉFENSE DE L’ANARCHISME

Héroïque et Expropriateur

L’article que nous publions ici est l’œuvre de l’anarchiste italien Renzo Novatore, mort tragiquement en défendant sa liberté. Communiqué par sa veuve à l’Adunata dei Refrattari, hebdomadaire d’Amérique, cette étude, qui n’a encore paru que dans le journal de New-York, intéressera certainement les lecteurs de la Revue Anarchiste — même s’ils ne partagent pas toutes les idées qui y sont exprimées.

Le délit est la vigoureuse manifestation de la vie pleine, complète, exubérante, qui veut librement s’épandre et trépider au-delà de toute règle et de toute frontière, ne reconnaissant d’obstacles ni dans les personnes, ni dans les choses…
Et c’est justement là le côté esthétique du délit, ce qui le rachète, l’ennoblit et l’élève jusqu’à la lumière pure et éclatante d’une vraie et authentique œuvre d’art.
E. Brunetti.


I

La chronique noire des journaux turinois du 26 septembre dernier a dû et voulu s’occuper de la capture de cinq de nos compagnons qui tombèrent entre les pattes visqueuses de la police, tandis que — selon les « informations précises » parvenues à celle-ci — ils se préparaient, sur une « très élégante automobile », bien armés de bombes, de browning et de magnifiques pistolets-mitrailleurs, à accomplir un… « coup » de plus de deux cents mille francs.

Tel est, en un bref résumé, le substantiel contenu de toutes les longues et interminables colonnes de prose vulgaire pompeusement ornée de broderies policières, que les journaux de Turin publièrent au sujet de son audacieux « coup » manqué

Le commentaire — notre commentaire — de l’affaire de Turin, prise en soi, est celui-ci, Ce fut la police turinoise, elle-même, qui organisa le « coup » par le moyen d’un de ses louches agents provocateurs — le chauffeur qui conduisait l’automobile « incriminée » elle-même — dans un but de gloire, de carrière et de gros sous ».

Et notre commentaire s’appuie sur des preuves et des faits. Preuves et faits qui ne peuvent, du reste, avoir échappé à aucun de ceux qui, lisant la chronique de ces jours-là, ont vu de quelle façon est advenu la « rocambolesque » (sic) capture des cinq anarchistes.


II

Il est entendu que nos cinq camarades, tombés dans le vil et infâme guet-apens qui leur fut tendu par la police, sont réellement des victimes du chauffeur judas, qui les a trahis et vendus, mais, parmi les cinq, il y avait, en outre, la belle et mâle figure de De Luisi, tempérament romantique et passionné de rebelle et de héros, dont la vie est tout un poème de luttes audacieuses et de rébellions conscientes ; car ils ne sont pas nombreux les anarchistes qui ont su écrire par le geste dans le livre de leur vie vécue.

Le compagnon Giuseppe De Luisi fut — après toutes les amertumes, les désillusions et les souffrances éprouvées parmi la foule — un terroriste et un expropriateur. Et c’est de lui, aujourd’hui, que nous entendons parler ici. De lui et du principe expropriateur de l’anarchisme héroïque.

De nombreux camarades ne nous approuveront pas, nombreux aussi seront ceux qui ne nous comprendront pas, il est vrai, mais de notre point de vue, ce n’est pas une raison suffisante pour nous persuader à faire taire notre voix d’iconoclaste, à étouffer notre cri d’in-