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LES CONSTITUTIONS

Dans ces temps où les problèmes sociaux passionnent à un point si élevé les esprits, il n’est pas sans intérêt d’étudier les diverses Constitutions dont le rôle est avant tout de déterminer et de garantir les droits des peuples. Elles sont ou doivent être l’expression la plus fidèle de la physionomie des époques qui leur sont contemporaines et procèdent directement des vœux et nécessités des nations. Leur étude est donc éminemment intéressante à un double point de vue : psychologique, en ce sens qu’elles nous révèlent d’une façon officielle l’esprit du temps qui les a vues naître et quelles nous permettent de comparer les peuples qu’elles régissent ; social, en ce qu’elles sont la base légale des peuples et qu’elles recèlent souvent la cause de bien des différends, sinon, de bien des révolutions.

Sous ce dernier rapport, que je me bornerai à envisager seul, et d’une façon très brève, les Constitutions doivent réunir deux qualités qui, à prime abord, semblent contradictoires, exclusives : la stabilité et la variabilité. En effet, leur but est double. D’une part, elles doivent être un obstacle au despotisme, elles doivent limiter le pouvoir législatif auquel elles sont supérieures, opposer à ses fantaisies les droits imprescriptibles de l’homme et constituer en ce sens une barrière infranchissable. D’autre part, reposant avant tout sur les conditions sociales, économiques, politiques, elles doivent se modifier, se mettre en rapport direct avec ces éléments essentiellement variables. C’est là un problème difficile à résoudre et pour la solution duquel les pouvoirs constituants n’ont jusqu’à présent, peut-être, jamais tenu compte de cette seconde donnée. Toutes leurs vues ont convergé vers la première ; ils n’ont voulu qu’une chose : constituer un pouvoir fort. Mais, élaborer ainsi une organisation purement théorique et fictive, n’est autre chose qu’atteindre l’opposé du but visé et livrer le pouvoir, dont la force réside uniquement dans la loi, à la merci du peuple, toujours prêt à secouer un joug qu’il que toléré et jamais reconnu.

Afin de combiner les deux éléments nécessaires à l’autorité morale des Constitutions, celles-ci doivent se borner à établir des principes fondamentaux formulés d5une façon absolue, sans spécifier, comme le font la plupart d’entre elles, des dispositions qui n’ont en vue que le présent. Elles doivent avant tout considérer l’avenir