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et laisser aux lois la mission de procéder par voie de déduction des grands principes qu’elles ont tracés ou ne pas opposer à la révision, des obstacles légalement infranchissables.

A ce propos, la “ Déclaration des droits de l’homme ” peut passer pour un exemple admirable de cette Constitution, modèle à laquelle je fais allusion. C’est d’elle que viennent toutes nos institutions libres : l’égalité des citoyens devant la loi, la souveraineté de la nation, la liberté des cultes, celle des individus, de la presse, les garanties de justice, l’inviolabilité du domicile et de la propriété. Ces droits nous ont été transmis variant avec les nations, mais uniquement sur des questions secondaires et les principes généraux restant partout les mêmes.

Cependant, malgré les tendances démocratiques qui se caractérisent de plus en plus, ces grands principes ont souvent été restreints soit par esprit de réaction, soit par suite de ce fait qu’une fois au pouvoir, les révolutionnaires deviennent conservateurs, préoccupés qu’ils sont de pacifier rapidement et de donner à leur œuvre des bases solides qu’ils cherchent dans le pouvoir central ; en sorte que, tout en proclamant la nation souveraine, ils lui imposent l’obligation de transmettre ces droits aux pouvoirs constitués, translation qui est plutôt une abdication qu’un mandat. C’est notamment en cela que la Constitution Suisse est supérieure aux autres, en ce sens que le referendum fournit au peuple la plus sûre des garanties contre les abus éventuels de ses mandataires.

Par exemple, une des prérogatives les plus dangereuses du pouvoir, c’est le principe de l’irresponsabilité et de l’inviolabilité du souverain ; et ce droit, absolument inique et immoral, nous le rencontrons partout, même dans la Constitution Française de 1875 qui proclame l’irresponsabilité du Président de la République, sauf le cas de haute trahison. Seul le Sénatus-Consulte du 2 mai 1870 fait exception et déclare[1] l’empereur responsable. Il est vraiment étonnant de voir semblable réaction opérée par un régime “ républicain ” peu après la chute d’un tyran.

Je ne passerai pas en revue toutes les particularités qu’il est possible de relever dans les Constitutions ; je me bornerai à signaler quelques points pour montrer jusqu’où peut aller la manie de la ponctualité.

Il y a, j’admets, parmi ces détails, des choses excellentes ; tel est le système électoral par corporations, dont je m’efforçais il y a peu de temps de défendre le principe[2], et qui fonctionne en

  1. Art. 13.
  2. La Revue Blanche, mai 1890.