Page:La Revue blanche, Belgique, tome 2, 1890.djvu/477

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Cela va de soi.

— À propos, cher maître, et les poètes, eux, comment seront ils vêtus ?

Avec recherche… mais nus souventes fois aussi, et chantant et virevoltant, dans un regain de troubadourisme.

M. Paul Leclercq appuie sur un bouton de sonnette électrique. Un valet apporte des sandales sur un plateau d’argent. M. Leclercq se déchausse, met les sandales, et me récite, fredonnant presque, un fragment de sa Biblis, en s’accompagnant de ses gestes.

— Vous avez compris ?

— À peu près.

— On s’y fera, vous verrez ; pas trop d’ailleurs ne le faudrait : un cercle restreint d’Initiés… Ah le Geste !… Il y en a, trouvez vous pas ? qui ont l’air piteux et niais des voitures de mariage à la Cascade… D’autres, sont fiers comme des chevaux de cortège funèbre, par un jour froid et sec.

— Cher maître, avant d’aller retrouver vos invités, voulez, vous me dire si vous êtes de ceux qui voient un rapport entre la dégringolade du Naturalisme et celle de la Société des Dépôts et Comptes Courants ?

M. Paul Leclercq me reconduit jusqu’à la porte, puis, lentement : — En effet, oui… en fa naturel mineur.


En traversant l’antichambre, j’entends un murmure de phrases entrecoupées qui semble sortir d’un salon voisin ; je m’approche : ce sont des voies amies. Je me décide à frapper à la porte.

— Entrez.

J’aperçois, tous deux gesticulant, M. Alexis NOËL et M. Auguste JUVÈNE, en pleine discussion littéraire.

— Parfait, me dis-je en moi-même, et je tire de ma poche mon carnet et mon stylographe.

Je commence par noter la physionomie de mes deux interviewcuteurs : M. Alexis Noël est étendu sur un divan bas et chargé de coussins (le divan). Sur le fond bleu foncé