Page:La Revue blanche, Belgique, tome 3, 1891.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Je l’en louerai, même sans en être sûre, 一 ainsi que je veux tout louer en cet auteur. Mais, mon petit enfant, ne m’imitez point en cela : Vous n’avez pas encore la certitude imperturbable de ma naïveté. Tant qu’il vous reste une habitude de réflexion, ne l’admirez pas trop : cela vous perdrait dans son opinion, — et le perdrait dans la vôtre. Il faudrait que vous finissiez par en dire du mal. Hélas ! s’il en fallait penser !… Je connais votre subtilité de dédain, et la rareté (d’assez médiocre goût) de votre louange : vous ne vous pardonneriez pas de vous priver d’une des rares permissions que vous vous êtes accordée d’aimer. Pour moi, je n’ai plus rien à craindre, vous le savez, de mes prédilections. Je m’abandonne volontiers à celle-là. Je le sais glabre, railleur ; il a fort bien réussi, et, quant à lui, cela me fâche il a pourtant du talent. Je suis étonnée que le bruit m’en arrive : mais on parle beaucoup de M. Barrès : assurément il mérite mieux. En tout cas, il ne semble pas détester une certaine adulation : c’est un goût que je conçois, à condition qu’on s’en défende : surtout, si l’on se résigne à jouir de tout avec grâce, il ne serait pas adroit d’oublier la bonne opinion, C’est pourquoi il est fort bon qu’on affecte de trouver le suffrage du populaire appréciable. Quant à l’éloge qu’on fait de sa bonne mine, le premier devoir d’un aimable homme est de n’y pas être indifférent. Je m’imagine que M. Barrès s’y montre sensible : La ! Sinon, quelle impardonnable faute contre soi-même ! Le « il est gentil » des petites passantes n’est-ce pas la plus consolante des banalités ? Je voudrais l’avoir vu, — au moins en peinture : mais je ne pus m’en procurer un seul portrait. Mon regret est accru du souvenir qu’il me semble garder je ne sais d’où d’une image qu’en aurait peinte le jeune maître, M. Jacques Blanche : peut être m’abusé-je, — ou le suis-je, fort aisément par le désir que j’ai de toutes les œuvres de M. Blanche, assurément le plus admirable marieur de nuances expressives et d’harmonies de sentiments qui soit en France, depuis M. Renoir. Et qu’il me soit permis, puisque l’occasion m’est offerte de vous faire leçon, — je suis friande,