Page:La Revue blanche, t11, 1896.djvu/544

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jusqu’au moment douloureux où je lui avouai que je ne connaissais rien aux oiseaux.

Cela, c’était une raison ! Sur cette affirmation il retira sa prière. Ne rien connaître aux oiseaux ! Comment, il laisserait traiter ses pinsons en corneilles et ses pies en dindons ? Il abandonnerait à mon ignorance le talent de Liwi, cet intéressant volatile qui, à siffler et à couver, avait acquis des droits à des attentions doubles ? Laisserait-il offenser l’ouïe des tourterelles sentimentales par les lubriques mélodies des linottes ? Exposerait-il — par une erreur dans la distribution de la nourriture, — chose assez probable avec un personnage aussi inexpérimenté que moi — l’estomac délicat du roitelet aux fers-à-cheval et aux vieilles pantoufles, restes du déjeuner des casoars ? « Non, cent fois non ! Vous ne connaissez rien aux oiseaux ? En ce cas vous n’êtes pas digne de les garder et de les soigner ! »

Ainsi parla Ornis.

De nouveau je demande : Pourquoi madame Pieterse « tient » -elle des enfants ?

Et quand je songe, ensuite, que le nombre des enfants est d’environ six cent millions sur la terre…

Et que ces enfants sont « tenus » par les trois ou quatre cent millions de parents qui, pour la majorité, ne se connaissent pas en oiseaux…

Hélas, alors je suis obligé d’ouvrir ma fenêtre pour ne pas céder à une humeur semblable à celle du roitelet après un déjeuner de casoar !

Une leçon de morale

Le vieux Kappelman eut une attaque de philosophie et il parla ainsi :

— Mon fils, fais attention à ton dire, plus qu’à ton faire, et tu prospéreras dans la boutique que je te laisserai à côté de l’alcôve où tu naquis.

Peu importe, mon fils, que les pruneaux que tu vends soient de bonne qualité ou non ; dis et répète : comme ces pruneaux sont excellents !

Pense ce que tu veux du pasteur Théocrate, mon fils, et, à la rigueur, refuse-lui le crédit quand, de nouveau, il enverra prendre du sucre candi. Jette-le à la porte, mon fils, s’il t’ennuie trop à l’époque des raisins nouveaux ; mais, mon fils, fais attention à ceci : ne dis jamais : ce pasteur est un idiot, ou : à la vérité, ce sont des raisins de l’année dernière.

Donne des coups de pied à ta femme, mon fils, si tu es sûr de frapper plus vigoureusement qu’elle. Mais, mon fils, ne dis jamais : je voudrais qu’elle fût morte, ou bien : elle a des taches de rousseur.

Arrache un œil a quelqu’un, s’il le faut absolument, mon fils ; mais ne dis jamais : cet homme louche.

Méprise les gens qui se conduisent mal en public et fais un