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Page:La Revue blanche, t11, 1896.djvu/566

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Aussi les romans, les livres sentimentaux n’attirent-ils l’attention de personne. Les femmes, comme les hommes, réclament, aux bibliothèques, les ouvrages d’histoire, de linguistique, de géographie, de science. De là l’extrême intelligence de tous. N’ayant plus à se munir contre les combats nécessités chez nous par la conquête de l’amour et du pain, les peuples de Jérôme le Fondateur passent leurs loisirs à fortifier leur âme par le savoir. Ils parlent des problèmes de science, comme les joueurs européens parlent des problèmes du baccara, des échecs, ou de l’écarté. Ils s’amusent à rivaliser de connaissances. Vous l’imaginez facilement. À la suite des orgies hebdomadaires qui lassent, dans les théâtres, leur instinct sexuel, ni les hommes ni les femmes ne combinent de rendez-vous dans l’intervalle de ces fêtes. S’ils accordent des politesses, ce n’est pas avec fièvre, mais par bonne grâce.

Vous n’entendrez personne, ici, se complaire à narrer les péripéties de ces aventures communes, comme vous n’entendez personne, en Europe, insister sur les menus de ses repas. C’est, en cette contrée de Malaisie, un peuple aux instincts rassasiés, et qui n’a plus de convoitises, sinon pour l’esprit.

Dans ma prochaine missive, je vous entretiendrai de l’éducation reçue par les enfants ; vous verrez avec quel art les institutrices et les professeurs leur donnent le goût et l’avidité de connaître le plus.

Je vous envoie mes vœux de bonheur et de santé. Votre ami.

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Paul Adam