Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/263

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assagi le parti républicain, et lui a donné une saine horreur des procédés révolutionnaires. C’est le souvenir de la Commune qui a inspiré les républicains rangés autour de Gambetta, et les a maintenus dans la volonté ferme de ne parvenir au progrès que par la légalité. La Commune a assagi les républicains.

— Voyez-vous que la Commune ait eu quelque autre influence ?

— Pas d’autre, que d’effrayer les bourgeois. Ah si encore, elle a nui considérablement au développement municipal de Paris. »


M. Henry Maret

aujourd’hui député, rédacteur en chef du Radical.

I. Mon rôle du dix-huit mars à la fin de mai 1871, peut se résumer en ces mots : pas du tout pour Versailles, pas complètement pour Paris, mettons pour Sèvres. J’ai combattu de toutes mes forces l’Assemblée monarchique et usurpatrice, ainsi que le gouvernement de M. Thiers, cause de tout le mal. Cependant j’étais loin d’approuver tous les actes de la Commune et ne me suis pas gêné pour en flétrir quelques-uns, tels que le déboulonnement de la colonne. Je n’admettais pas d’ailleurs la prétention qu’avait la Commune de gouverner la France. Mais, après les abominables massacres de Versailles, toutes les fautes s’effaçaient, et j’étais, avec tous les gens de cœur, du côté du vaincu.

II. Mon opinion sur le mouvement de 1871 est la même aujourd’hui, après vingt-six ans. L’expérience et les cheveux gris n’y ont rien changé, je suis de ceux qui ont tout vu d’assez près pour savoir à quoi s’en tenir. Il n’y a eu aucune préparation à l’insurrection du dix-huit mars ; s’il est permis d’appeler insurrection la prise d’un pouvoir abandonné. Le quatre septembre ne fut pas plus légal. Cette journée fut causée par le patriotisme le plus exaspéré, contre une lâche capitulation et aussi par la nécessité de défendre la république contre les attentats préparés par l’assemblée de Versailles. Le feu fut mis aux poudres par les odieuses mesures sur les créances et les loyers, qui faisaient payer les frais de la guerre par les combattants sans le sou au profit des richards absents ; le peuple comprit qu’on voulait lui reprendre ses armes pour le ramener sous le joug, et je suis encore persuadé qu’il ne se trompait pas.

Malheureusement l’organisation fut déplorable. Précisément parce que rien n’avait été préparé, parce que le coup fut une surprise, les vainqueurs du moment ne surent que faire de leur victoire et, au lieu d’en profiter, la compromirent à plaisir. Au fond, chacun pensait bien que cela ne pouvait durer, mais on comptait sur quelque arrangement final. Au point de vue de la défense militaire, il n’y eut de plan d’aucune sorte ; on se battit toujours au petit bonheur sans direction. Cependant l’assemblée communale, se donnant des airs de parlement, légiférait comme si elle eût dirigé le pays. Ce n’est pas que parmi ses travaux il n’y en ait eu d’excellents ; mais était-ce bien le moment de jouer à la Convention ?

Au point de vue financier, il y eut beaucoup plus d’honnêteté que