Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/272

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part des grandes communes nous suivaient et les petites suivaient les grandes.

— Mais pouviez-vous être vainqueurs ?

— Je suis un des seuls qui aient cru à la victoire. Quant aux Vingt-Deux de la minorité qui, le 15 mai, déclarèrent ne plus vouloir siéger, sous prétexte que la Commune, en créant le Comité de salut public, avait créé une dictature, cette sorte de défection fut pour la Commune un affaiblissement, mais la force des événements les ramena bientôt à la Commune. Ce n’était pas le moment de jeter le manche après la cognée. Une autre cause d’affaiblissement fut l’abondance des mouchards et agents provocateurs versaillais, tel Barral de Montaut, officier de l’armée régulière qui, se donnant pour révolutionnaire, avait été nommé chef de la 7e légion. Ce Montaut était fécond en motions saugrenues et sanguinaires. Après la Commune il fut décoré de la Légion d’honneur et nommé colonel.

— La prétention de la minorité de représenter dans la Commune le socialisme était-elle justifiée ?

— Non, il y avait dans la majorité d’excellents socialistes, et la majorité avait plus que la minorité le sens de la situation révolutionnaire. À la vérité, il n’y eut une minorité distincte que pendant quelques jours.

— Le Comité central de la Garde nationale, en se mêlant aux affaires après les élections du 26 mars, fut-il nuisible ?

— Le Comité central n’a pas été aussi encombrant qu’on l’a dit. Sans doute il aurait dû agir plus modestement quand la Commune eut été nommée. Mais en somme la division entre les deux pouvoirs a été un peu l’œuvre de Cluseret et de Rossel : ils rejetaient toujours leurs fautes sur la garde nationale et sur les corps constitués

— Rossel ?

— Était évidemment un bon patriote, au sens étroit du mot. Une fois délégué à la guerre, il parut devant nous. Dès ses premiers mots, nous nous regardâmes les uns les autres et, d’un accord tacite et unanime, nous restreignîmes son mandat par le mot « provisoirement ». Il rêvait d’une dictature qui lui eût permis de traiter avec Versailles, en sauvegardant, je veux bien le croire, les droits de Paris. Au fond il voulait les pleins pouvoirs, même civils. Aussi attaquait-il le Comité et la Commune quand il échouait dans ses combinaisons militaires. Pour moi, sans d’ailleurs que j’en aie de preuves, quand il était chef de l’état-major de Cluseret, il travaillait à supplanter ledit Cluseret et interceptait certains ordres qu’il devait lui transmettre. Il ne regardait jamais en face.

— Cluseret ?

— Cluseret avait toujours à la bouche ces mots : « Nous avons le temps, rien ne presse. » Son inertie, ses négligences renouvelées nous obligèrent à lui retirer son mandat de délégué à la guerre, et il lui fut retiré à l’unanimité. Nous ne l’avons pas revu pendant la