Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/283

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M. Jean Allemane
actuellement rédacteur en chef du Parti ouvrier.

Le 18 mars 1871 fut une journée voulue, préparée par M. Thiers et ses complices, décidés à en finir avec la garde nationale populaire (les ouvriers armés), comme leurs congénères du gouvernement provisoire de 1848 en avaient fini avec les travailleurs des ateliers nationaux.

La faute que ces gredins commirent fut, tout d’abord, de se démasquer en aidant la Banque de France à ruiner des centaines de petits commerçants et industriels, en décidant la cessation de la prorogation des effets de commerce. Or, cela eût pu avoir de graves conséquences, car les hommes de la classe moyenne, déjà surexcités par la déception patriotique, eussent applaudi aux mesures les plus audacieuses si, au lieu de citoyens bien intentionnés et socialistes inconscients, le Comité central eût été composé d’hommes déterminés et capables de mener les choses rondement en commençant l’attaque au véritable point de résistance : la Banque de France.

Celle-ci au pouvoir de l’insurrection, MM. Thiers et de Plœuc — représentants autorisés de la haute bourgeoisie et de la haute finance, n’avaient plus qu’à faire leur meâ culpâ d’avoir déchaîné l’ouragan. Mais les membres du Comité central — comme plus tard ceux de la Commune — n’étaient mus que par des sentiments, et leur irrésolution, doublée d’ignorance économique, leur fit perdre le bénéfice d’une situation exceptionnellement favorable, car, pour tout le monde, l’attentat perpétré par le gouvernement avait pris un caractère de restauration monarchique, et cela entraînait les républicains sincères à ne pas faire obstacle aux mesures nettement socialistes et révolutionnaires.

Le tout était de se hâter, et ce fut justement ce qu’on ne fit pas. Des proclamations, encore des proclamations, toujours des proclamations ; pendant ce temps, la bête réactionnaire se remettait de l’émoi occasionné par une résistance et des incidents non prévus ; elle faisait affluer à Versailles la fine canaille et, aidée de toutes les lâchetés et de tous les parasitismes aux abois, elle préparait sa revanche qui, l’histoire saura le reconnaître, fut à la hauteur des sacripants que ce plat-pied de Maxime Du Camp (des voleurs) appelait le « parti des honnêtes gens ».

Voulu par les dirigeants, le 18 Mars 1871 eût pu marquer l’ère d’un monde nouveau pour les spoliés, mais, pour ce faire, il ne s’agissait pas de « parlotter », mais de frapper le bourgeoisisme à l’endroit sensible : au coffre-fort !

Cela fait, il ne demeurait qu’à employer l’or à la désorganisation des bandes versaillaises, chose beaucoup plus facile que l’on ne le supposait à Paris et, faute de l’or, le fer, résolument employé, fût venu à bout des résistances capitalistes.

Trop « quarante-huitards » pour y songer, les hommes du Comité