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Et par dessus tout Religion, base de toute science !

Grand est le domaine de la science, infinie la recherche de la vérité !

[Ici se termine le journal tenu au gymnase de Pforta, du 6 août au 25 octobre 1859, par Nietzsche enfant.]


Troisième fragment.


LE PROBLÈME DE SOCRATE


I


Sur la vie, à toutes les époques, les plus sages ont pensé de même : cela ne vaut rien. Toujours et partout on a entendu le même son de leur bouche, — un son plein de doute, plein de mélancolie, plein de fatigue envers la vie, plein de résistance contre la vie. Même Socrate disait, en mourant : « Vivre — cela veut dire être longtemps malade : je dois un coq à Asklepios libérateur. » Même Socrate en avait assez. — Qu’est-ce que cela démontre ? Qu’est-ce que cela montre ? — Autrefois on aurait dit (oh ! on l’a dit, et assez haut, et nos pessimistes en tête !) : « Il faut bien qu’il y ait ici quelque chose de vrai ! Le consensus sapientium démontre la vérité. » — Parlerons-nous ainsi aujourd’hui encore ? le pouvons-nous ? « Il faut bien qu’il y ait ici quelque chose de malade, » — voilà notre réponse : ces sages entre les sages de tous les temps, il faudrait d’abord les voir de près ! Peut-être n’étaient-ils plus, tant qu’ils sont, fermes sur leurs jambes ? et décrépits ? branlants ? décadents ? Que paraisse peut-être la sagesse sur la terre comme le corbeau, qu’une petite odeur de charogne inspire ?…

2


À moi-même, cette irrévérence, que les grands sages soient des Types de Décadence, m’est venue précisément d’abord en un cas, où elle soulève avec le plus de force le préjugé lettré et illettré : je reconnus Socrate et Platon comme symptômes de décadence, comme instruments de la décomposition grecque, comme pseudo-grecs, comme antigels (Origine de la Tragédie, 1872). Ce consensus sapientium — je l’ai toujours mieux compris — ne prouve pas le moins du monde qu’ils eussent raison, là où ils s’accordaient : il prouve bien plutôt qu’eux-mémes, ces sages entre les sages, avaient entre eux quelque accord physiologique, pour prendre à l’égard de la vie cette même attitude négative, — pour être tenus de la prendre. Jugements, appréciations de la vie, pour ou contre, ne peuvent en fin de compte jamais être vraies : elles n’ont qu’une valeur de symptômes, elles ne viennent en considération que comme symptômes — en soi tic tels jugements sont stupidités. Il faut donc étendre entièrement les doigts, et tâcher de saisir cette finesse étonnante, que la valeur de la vie ne peut être appréciée. Ni par un vivant, parce qu’il est partie, même objet de litige, et non juge : ni par un mort, pour une autre cause. De la part d’un philosophe, voir un problème sur la