Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/78

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À tous les coins d’avenues, sur les places, au fond des squares innombrables, se dresse toujours un socle, où apparaissent, en taille naturelle, dix ou vingt figures d’hommes et de femmes portant le costume d’usinier. Ces images sont très proches du réel, trop proches même. On croirait voir les résultats de très habiles moulages pris sur les personnes. Généralement les corps et les habits sont de bronze, les têtes et les mains en pâte de verre colorée. Au centre du groupe s’élève le modèle de l’objet que créa l’invention. Du socle jaillissent des fontaines.

J’ai appris, en outre, que les splendides costumes de la procession ne se reverraient plus à Jupiter. En toutes les villes de la Dictature ils apparaîtraient successivement pour une cérémonie semblable, et puis seraient détruits. Les artistes imaginent, à chaque fête, une décoration nouvelle des créatures et des chars. Elle ne ressert jamais. Cela donne un motif d’apprécier la richesse folle de la production sociale. Comme je m’émerveillais, Théa dit :

— Ici nous produisons joyeusement pour consommer nous-mêmes. Vous produisez tristement pour vendre. Comment voulez-vous que notre labeur ne rende pas le centuple du vôtre.

À évaluer ce que coûterait en Europe, avec le système des salaires et du commerce, un cortège pareil, on atteint vite le chiffre de cinquante ou soixante millions.

La Semaine Sainte à Séville, ni votre Bœuf-Gras parisien ne rivaliseraient à leur avantage. Mais un tel travail est-il utile pour une joie si médiocre ? Je sais bien que j’ai prononcé le mot utile, et que Pythie m’a ri au nez en toute impertinence. L’une et l’autre me considèrent comme un indécrottable imbécile. Je les déteste à peu près.

Vous trouverez, ci-joint, un fragment de l’affiche imprimée d’avance et que les stratèges des nefs aériennes devaient coller sur les murs de Paris, lors de la prise… J’ai supprimé le préambule.

« Après les signatures de ces préliminaires, le gouvernement de Paris agira comme il suit :

Art. I. — Il prononcera la dissolution de la Chambre et du Sénat. Leurs membres actuels seront remplacés par les officiers les plus âgés des armées de terre et de mer[1].

Art. II. — Ces nouveaux fonctionnaires n’auront pas à délibérer sur les lois. Ils seront chargés de classer les pétitions des communes, sans les discuter.

Art. III. — Le mariage civil est aboli.

Art. IV. — L’imputation de la paternité étant illusoire et ne reposant sur aucune certitude naturelle, l’enfant nouveau-né prendra sur les registres de l’état civil, le nom de sa mère.

Art. V. — Le seul héritage légal est celui de la mère aux enfants.

Art. VI. — Cet héritage sera transmis dans les conditions suivantes :

A. Il sera fait une expertise de la valeur des biens légués, meubles

  1. Dès la promulgation de la présente loi, les fonctions occupées par ces officiers, seront transmises, avec les grades afférents aux officiers exemptés, par leur jeune âge, de la mission législative.