Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/795

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partout et Constantin les sanctionna juridiquement, leur accorda une sorte de personnalité civile. Il fallut toute la réaction si funeste de l’empereur Julien pour briser ces tentatives si intéressantes de révolution sociale qui ne reparurent plus dans la suite.

Quant aux refus de service militaire, aux fuites dans les forêts et aux jacqueries nazaréennes qui en étaient la suite, elles se prolongèrent jusqu’à l’invasion des Barbares. Les Bagaudes, presque tous chrétiens terrorisèrent la société romaine du milieu du iiie siècle à Maximien qui leur fit une guerre d’extermination atroce. Ils reparurent sous Julien, empereur, et cinquante ans plus tard, Salvien, le « Guide des évêques », plaignait les répressions horribles dont ils avaient été victimes. Tous les Bagaudes ne pratiquaient pas la plus pure charité chrétienne et on ne saurait les présenter comme des exemples de sainteté ; mais Sébastien, condamné à mort pour refus d’obéissance, le légion thébaine égorgée par Maximien, pour n’avoir point voulu marcher contre les Bagaudes, sont considérés par l’Église comme des martyrs.

La révolution chrétienne fût arrêtée en Occident par Julien et les Barbares ; en Orient, le mouvement continua plus longtemps. Il est bien remarquable à noter que : orthodoxie et démocratie semblaient alors synonymes ; Athanase d’Alexandrie et l’admirable Jean Chrysostôme nous paraissent comme des tribuns populaires ; en lutte constante avec le pouvoir et les hautes classes, et finalement martyrisés d’une façon inouïe par les camarillas impériales, comme Chrysostôme enlevé en pleine émeute et traîné durant trois ans de cachots en cachots, jusqu’à ce qu’il mourût d’épuisement. Au contraire les hérétiques, un Arius, un Nestorius, un Dioscore sont toujours zélés pour l’empereur, et entourés de satellites armés contre le peuple. Le mouvement ne put être considéré comme définitivement avorté que lorsque le schisme eût absorbé définitivement L’Église d’Orient dans l’Empire.

Retournons à L’Église d’Occident et considérons son action à travers le moyen-âge, dès qu’elle se fut remise du grand choc des Barbares. Je ne veux parler ni des doctrines politiques de Thomas d’Aquin sur la souveraineté du peuple, ni des essais communistes de François d’Assise et de ses disciples ; mais de l’action de la Papauté depuis Hildebrand.

Il ne s’agit pas de faire du paradoxe en prêtant à tel ou tel pape des préoccupations sociales qui n’étaient ni dans le caractère des hommes, ni dans l’esprit du temps, et que la nécessité des circonstances urgentes interdisait à des chefs d’entreprises, obligés de veiller à la fois à l’Occident et à l’Orient ; mais je veux faire saisir la direction générale imprimée par Grégoire VII à ce parti catholique du moyen-âge, plus tard guelfe, qu’il avait fait éclore par son prodigieux génie du milieu du chaos des brutalités, des tyrannies et des ignorances féodales. Depuis 1087, c’est au nom du pouvoir spirituel opposé au pouvoir temporel que les moines et la plèbe