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Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/176

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adorent que l’antithèse, — oh ! avec quels grognements tragiques et quelle ardeur ! on peut se le figurer, — cette antithèse douloureuse et absolument superflue que Richard Wagner, à la fin de sa vie, a voulu incontestablement introduire dans la musique et porter sur la scène. Dans quel but ? demandera-t-on, comme de juste.

II

Il ne faut pas non plus laisser de côté cette autre question. Que lui importe vraiment cette « innocence humaine (ah ! si inhumaine) qu’il tient du sol », à ce pauvre diable de Parsifal, ce bon compagnon, enfant de la nature, dont Wagner fait définitivement, par quels moyens insidieux, un catholique ? Voyons ! ce Parsifal a-t-il été pris au sérieux en général ? Car, qu’on en ait ri, je suis le dernier à le contester, Gottfried Keller aussi… On aurait souhaité que le Parsifal de Wagner eût été conçu gaîment, qu’il eût été le morceau final et le drame satirique avec lequel le poète tragique Wagner aurait voulu, d’une façon convenable et digne de lui, prendre congé de nous, de lui et avant tout de la tragédie, avec une parodie débordante de la fantaisie la plus folâtre, parodie du tragique lui-même, de tout ce terrible sérieux terrestre, de ces lamentations d’autrefois, parodie d’une forme définitivement vaincue, la contre-Nature de l’idéal ascétique. Parsifal est un rire secret de supériorité, rire sur lui-même, triomphe de son ultime et suprême liberté d’artiste, au-delà même de l’artiste.

Wagner pouvoir rire sur lui-même ?… Comme je l’ai dit, on le souhaiterait. Car que serait Parsifal pris au sérieux ? A-t-on réellement besoin (comme on l’a dit expressément à l’encontre de moi) d’y voir « le produit d’une haine folle contre la science, l’esprit et la sensualité », un anathème contre les sens et l’esprit, concentré dans une haine, dans un souffle unique ? Une apostasie et un retour à des idéals obscurantistes, morbides et chrétiens ? Et enfin un reniement, un annulement de soi-même de la part d’un artiste qui, jusque-là, avait tendu de toutes ses forces vers le contraire, vers la spiritualisation et la sensualisation suprêmes de son art ? Et non seulement de son art, mais aussi de sa vie ? Qu’on se souvienne avec quel enthousiasme pour son époque Wagner marchait sur les traces du philosophe Feuerbach. La parole de Feuerbach, la « saine sensualité », était pour les trente-quatre ans de Wagner, et pour beaucoup d’Allemands — ils s’appelaient la Jeune Allemagne — comme la parole de délivrance. A-t-il définitivement appris des théories contraires ? Il semble du moins qu’il ait eu la volonté de les enseigner… La haine de la vie est-elle devenue souveraine en lui comme chez Flaubert ? Car Parsifal est une œuvre de rancune, de vengeance, empoisonneuse secrète qui s’attaque aux principes de la vie, une œuvre mauvaise. — Prêcher la chasteté est une œuvre mauvaise. — Prêcher la chasteté est une provocation à la