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Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/255

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Des livres ! Des livres ! Patience ! La foi allait venir !

De moins en moins.

La foi en un monde meilleur !

Des milliers en promettaient dans le ciel, — mais sur la terre ?

Des milliers, sur la terre en promettaient aussi. Et c’était vague, lointain. Pays vierges, sans routes, déserts, que gardait la fièvre ! Toutes les utopies ! Systèmes de bonheur humain… Les contrées merveilleuses, — une seule : la Terre Promise !

Des milliers de chemins. Lequel était le bon ?

Lequel ? Mais tous étaient également désolés. Chacun s’arrêtait là, au carrefour, et disait : c’est plus loin…

Mais je suis las, voici la nuit.

Eh bien ! la science ! ici apporte tes flambeaux ! Plus elle apporte de lumière, moins les yeux éblouis voient le lointain de la route, et plus l’immense nuit, à côté, parait sombre.

Sans flambeaux, l’on marcherait plus droit, plus vite.

Mais la route est semée de fondrières ; on tomberait. Étroite et dure clarté, aveuglante ! et qui semble grandir l’ombre.

Il crut que l’obscurité était toute l’ignorance.

Ignorance ! Mais non… le savoir, c’était cela.

Cervelle de pauvre qui ne pouvait loger la nuit.

Fouillis de mots, chaos de pensées ; mêlée où nul parti ne reconnaît les siens. C’est l’espoir que l’on prend pour la réalité, le désir pour le possible, l’obstacle pour l’effet. C’est l’enfant qu’on châtie pour qu’il ne se fasse pas mal. C’est la Révolution engendrant ces deux sœurs : la loi, la liberté, devenues ennemies, et pour se défendre appelant l’armée ! L’autorité enfin se cache dans la révolte, ordonne de vouloir, force au bonheur.

Rien du passé pour l’avenir. Pas d’exemple qui vaille, d’expérience qui prouve. Puisqu’on est autre ! L’héroïsme également dore les pires erreurs. L’histoire ! Un champ de bataille, où gisent toutes les idées qui menèrent les hommes. Mortes, ou blessées à mort, mourantes ! On s’oubliait près de leurs agonies… Mais pleurs, remèdes ! jamais on ne pouvait les sauver.

Au faite de l’enfance, le gouffre de la vie se découvre ; le vertige est tel qu’on appelle la mort pour ne pas s’y jeter ! Ayez les yeux bandés ! Ceux qui cherchent à voir souffrent en affres terribles l’heure de joie de la jeunesse qui y plonge et y nage. L’existence, première habitude acceptée, la première comparait au pourquoi de tout qu’on se pose. Pourquoi vivre ? — Oh ! pour voir…

Insoluble question. Il faut bien passer outre. La mort cligne des yeux comme l’eau verte qui coule. Elle attire… On résiste. Elle s’en va entraîner les heureux. Mais la pensée déjà est retournée sur ses pas, a touché le mur de la prison, s’y est heurtée. Hissée