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Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/263

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dont le lendemain seul peut réparer et expliquer toute la douleur de l’aujourd’hui que nous vivons, et tout le sang que coûtera ta sinistre venue, Révolution !

Petite fleur rouge après toutes les petites fleurs bleues, — dernière fleur, dernier dieu qui ait souri aux hommes !

Aurore indéfinie, et si rouge que le soleil, comme s’il reculait d’horreur, ne parait pas !

Sang qui teinte la nuit, es-tu le souvenir resté au fond de nos yeux et par nous projeté dans notre cauchemar, de tout le sang non séché des révoltes d’autrefois ? Ou bien, rayon d’un astre qui n’émerge pas encore, annonces-tu en ce monde la première réussite d’un rêve des humains ?

Révolution sociale !

Étoile de toute conscience opprimée !

O très-lointaine, nous sommes tous en marche vers toi.

Nous t’atteindrons ! Sectaires, utopistes, socialismes, anarchies, apôtres, prêcheurs, forcenés, assassins, autoritaires, libertaires, gens du passé et du futur, pacifiques, révoltés, impatients et gens de la très sage attente…

Et ceux même qui ne croient pas que tu viendras, et te pleurent sans t’appeler, du fond de leur désespoir…

En marche, en marche vers toi, quoi que tu puisses être, chaumière où l’on trouvera l’abri pour une nuit, ou feu de joie, incendie, flamme dévastatrice, œil de César tueur d’hommes ou de Prométhée libérateur faiseur de feu ! toi que le grossissement des télescopes laisse petite, étoile reculant toujours dans le ciel vide, quoi que tu sois, — lumière !

Quoique tu sois ! ô flamme où nous pouvons brûler un peu de notre douleur, ragaillardir nos membres que la misère engourdit…

Duperie des malheureux que ne réjouira plus l’au-delà de la tombe…

Au lendemain de la Révolution !

Ainsi les enfants disent : quand nous serons grands !

Du jour où des mots, graines réservées des récoltes de la pensée, — et quel besoin est-il que le sillon comprenne ? — jetés au hasard au creux de ces cervelles de pauvres, avaient germé, dans cette terre neuve, follement fertile, germé, poussé, grossi, devenus monstrueux, fleuri en soifs de joie, cupidités terrestres, — où donc ce peuple pour la première fois ensemencé, aurait-il arrêté son escalade des cieux ?

Vide, le ciel, ils avaient toute la place à remplir !

En marche ! Dépasser murs, frontières, océans, lois, homme, vie, idée et le temps et l’espèce et l’espace ! et qu’importaient les règles imprescriptibles de la nature, qu’importait l’impossible et qu’importait la mort, si l’on avait des petits qui iraient plus loin que soi !