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Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/435

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qui l’homme tient comme la moule au rocher ! Toi après qui se cramponnent les malheureuses décharnées d’avoir passé les nuits, comme après un enfant qu’on veut leur arracher ! Toi qui soûles à tel point les pauvres qu’ils en meurent, les riches qu’ils n’en goûtent plus la richesse que tu leur donnes…

Travail ! Travail ! Opium qui soulage et qui tue, arrache à la misère pour engendrer la misère ! Travail qui est le croc par lequel l’homme mange l’homme, les grilles dont ils s’entredéchirent ! Source d’envie, source d’orgueil, source de bêtise !… Toi qui cernes les yeux et fais pales les joues, et stupide la pensée, poison chéri des lèvres ! Tu as pris toute la vie ; tu la recouvres comme une peau qui préserve du plaisir ; tu en tiens lieu, car tu fais tout le mal qu’il fait….

Parti de la mort, vers la mort, par le travail… Sentier amer qui ne passe point par la vie. Travailler, dormir. Dormir, travailler. De pierre en pierre, du sommeil au labeur, sauter la vie ! De pierre en pierre, sans y tremper, sauter la vie… Ne pas même la goûter en y ayant puisé dans le creux de ses mains… Joie, amour, tout ce qu’elle contient te ferait mal… Ton estomac, rongé de travail, ne supporte plus. Suis l’inconscience ! Parti de la mort, vers la mort, par la mort !…

Femme, fais l’aumône des nuits passées aux sans-ouvrage ! Vieillard, l’aumône de la besogne aux plus jeunes ! Enfant, ce n’est pas à toi, ce fardeau ; donne aux forts. Le navire en détresse, on met tout en commun. Lâche et traître qui cache sa gourmandise quand d’autres ont faim et qui, de ses nuits de travail forcené, engraisse son épargne, quand sans pain, bras ballants, d’autres, les forts, attendent.

Partageons, partageons…

La richesse ? Pas encore. Mais partageons toujours la peine, en attendant.

Le mal social ! C’est là. Qui donc en doute ? Est-ce que ça ne fait pas crier quand on y touche ? C’est là qu’il faut couper. C’est engorgé, le sang ne passe, plus. Les membres ne peuvent plus se nourrir, ils dépérissent…

Société ! Corps monstrueux, tête trop grosse et jambes étiolées qui flageollent. Du repos ! Du repos ! Elle a assez travaillé comme cela. Elle n’en peut plus. C’est l’âge où l’on vit de ses rentes. Elle dit ne pas vouloir, ayant ses habitudes…

Allons donc ! elle voudrait, mais ne peut. Elle n’a pas de rentes. Commerçant endetté, elle travaille, nuit et jour, se hâte, et voudrait mettre double bouchée de peine, elle en veut au sommeil qui lui vole du labeur, elle ne sait même plus qu’il existe des plaisirs. L’échéance ! l’échéance vient sur elle ! Elle court ; la dette aussi. Parfois de nouveaux emprunts donnent quelque distance. La dette