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Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/207

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— Si j’avais de l’ouvrage !

— Pourquoi n’en as-tu pas !

Si tu en avais, tu aurais du pain. Si tu n’en as pas, c’est qu’on te le prend. Lâche ! tu le laisses prendre. Père, défends-toi donc ! — Il est trop tard ! — Alors venge-moi ! venge-moi !

Puisqu’il n’y a plus d’autre monde pour la justice !

Puisqu’il faut le bonheur sur celui-ci. — pas d’autre !

Ah ! venge-moi donc… — Non, non ! Cauchemar, vision louche, qui profitant de l’ombre, vole le pauvre repos qu’à tant de peine on gagna.

La vision se sauve, mais comme un chien qu’on gronde, et qui grogne, et qui guette, tapi dans un coin noir, l’instant de revenir, — tout beau ! — l’instant de mordre…

Et l’os qu’il guigne, un jour, — venge-moi ! venge-moi ! — l’os qu’il guigne, malgré soi on le lui donnera.


— Dis-moi, Jean ! Pourquoi ne veux-tu plus sourire ? Notre enfant est parti. Le pleureras-tu toujours ? Je l’aimais bien aussi — mais puisqu’il sera absent si longtemps, si longtemps, dis ! est-ce que sans cesse tu veilleras à l’attendre !

— Ce n’est pas lui que j’attends.

— Quoi donc ?

— Oui, j’attends… Tu sauras un jour… j’attends… j’attends…


Si au moins on sortait pour se distraire un peu !

Ils se regardaient : Bien ! Sortons.

— Il faut nous amuser, si l’on peut, ne plus songer…

Ils s’amusaient, et songeaient toujours.

Paris, ville des joies ! La nuit, millions d’yeux d’or, des yeux comme la seule douleur en fait briller ! Ciel constellé ! O la plus triste des villes ! si triste quand tu danses, ou que tu ris à crier ! Ton rire de canaille, on ne sait si ça gémit, grince ou râle. Oh ! l’horrible façon de pleurer qu’est le rire !

Ils s’amusaient !

Sans se mêler à la joie ils s’agitaient dedans. Ils secouaient leur chagrin. Un moment c’était trouble. Et puis, l’ennui dessous, la douleur surnageait.

Seuls le travail et le vin, les deux poisons, versaient au prix de plus terribles lendemains, un oubli valable quelques instants, et dépêchaient un peu la vie lente à couler.

Dans les cavernes puantes, quand le fauve est rentré, il s’étend, las, repu, près de la femelle vautrée, n’ayant plus de rugissement, laissant dans la forêt toute sa férocité. Celle de l’homme, que la rue, l’atelier ont contenue, éclate alors, quand il rentre et grimpe à sa