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Terre Promise  [1]
quatrième partie
RÉVOLTE
II

Hors du monde…

Chose grise, têtue, là, devant soi ! — un mur. La prison ! Pas plus dure que la liberté dont on revient. C’est étroit comme un crâne pour contenir des rêves, c’est étroit comme le monde pour les réaliser ; pas plus rogue qu’un qui n’a pas d’ouvrage à vous donner, pas plus sourd qu’un à qui on veut se faire comprendre…

De l’ouvrage, il y en a. Le pain, le gîte, on l’a.

Et sûr. Bien sûr. Chaque jour…

Ainsi que cela sera…

Comme cela sera au lendemain de la Révolution…

C’est peut-être cela, la société meilleure !


Prison blanche. Pas chez soi. Ah ! l’on peut réfléchir ! Mais on ne peut pas crier autant qu’on le voudrait… Agir, — ça, quand donc et où est-ce possible ?

Dans la mansarde, la nuit, c’était la femme, l’enfant, — leur sommeil comme un poids sur sa bouche, sommeil lourd qui pendait après un fil de rien au-dessus de la faim et de l’horrible froid, où l’haleine d’un seul les cassant de l’inconscience, les ferait retomber… — Et au-dessus, dessous, à côté, en face, toutes ces misères parquées, séparées de cloisons minces, et venues geindre, agoniser, tousser, se tourner et rire, côte à côte…

Ici, les longues galeries, rayons d’étoiles, convergent. Hautes, claires. Des murs, du fer, des fenêtres à grilles. — Du ciel, non pas ! D’autres murs. Pas une feuille, pas un coin de ciel, rien qui soit une chose que la nature ait faite telle. La pierre des murailles est peinte. Tout est œuvre d’homme. — Comme les vices échoués là.

Et près de vous sans doute geignent bien des misères, plus qu’ailleurs. Seulement les murs protègent bien. Il y a du silence. Le pas seul des gardiens… Le pas des gardiens, de temps à autre qui résonne, rattache les chaînes de l’âme distraite, qui s’échappait.

  1. Voir La revue blanche depuis le 15 août 1897.