Page:La Revue blanche, t17, 1898.djvu/227

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glissa. Elle était victorieuse… Mais, combien étrangement mystérieux ! la porte encore était close.

Le vent rauquait dans la cheminée ; la pluie s’abattait torrentielle sur les vitres ; les choses parlaient avec concordance le langage de la terreur. Pourtant, se retirer dans son lit, sans avoir pénétré les arcanes du cabinet, Catherine ne le pouvait. Elle se remit à l’œuvre, tournant nerveusement la clef en tous sens : la porte soudain céda. Son cœur sauta d’allégresse. Elle ouvrit un battant, puis l’autre, qu’assuraient des verrous moins rebelles que la serrure. Apparut un double rang de petits tiroirs, au-dessus et au-dessous desquels s’alignaient des tiroirs plus grands ; au centre, une petite porte fermée à clef défendait, selon toutes probabilités, une cachette d’importance.

Catherine haletait, mais son courage ne faiblit pas. Rougissante et toute sa curiosité tendue, elle ouvrit un tiroir. Il était vide. Avec moins de crainte et plus d’impatience, elle en ouvrit un second, un troisième, un quatrième, elle les ouvrit tous, tous vides. Instruite à l’art de dissimuler un trésor, elle ne négligea pas l’hypothèse du double fond : elle palpa scrupuleusement chaque tiroir, en vain. Seule, restait inexplorée la partie centrale. Quoique Catherine, n’eût « jamais eu la pensée qu’on pût trouver n’importe quoi dans n’importe quel coin du cabinet et que son insuccès ne l’eût pas le moins du monde désappointée, il eût été absurde de ne pas le visiter entièrement, la perquisition commencée ». La porte lui résista d’abord, comme lui avait résisté la porte extérieure, puis, comme elle, céda, et Catherine aperçut, tout au fond de l’autre, un rouleau de papier. Ses genoux tremblèrent, ses joues blêmirent. D’une main incertaine, elle captura le précieux manuscrit. (Elle avait, du premier coup, discerné des caractères d’écriture.) Comme Henry l’avait prédit, elle lirait le mémorial avant de tenter le sommeil.

La lumière faiblissait. Catherine alarmée se retourna. Une extinction soudaine n’était pas à craindre. La mèche brûlerait encore quelques heures. Catherine, afin de n’éprouver à sa lecture d’autre difficulté que celle qui résulterait de l’ancienneté du document, moucha la lampe. Elle fut tout ensemble, hélas, mouchée et éteinte, la lampe. Nulle lampe n’expira jamais sur un mode plus pathétique. D’horreur, Catherine resta d’abord stupide… Tout était fini : sur la mèche nul point en ignition ; en Catherine, nul espoir. Plus rien dans la chambre, que l’obscurité impénétrable et immobile.

Un brusque ressaut du vent accrut l’horreur de la nuit. Catherine tremblait de la tête aux pieds. Pendant l’accalmie qui suivit, un bruit pareil à celui de pas qui s’éloignent et le fracas, au loin, d’un ventail qu’on ferme frappèrent son oreille épouvantée. Une sueur froide perlait à son front ; le manuscrit lui échappa ; à tâtons elle se dirigea vers son lit et s’enfouit au plus profond des couvertures. Dormir était pour elle complètement hors de question, et la tempête était aussi tumultueuse que son âme. Catherine d’ordinaire n’avait pas peur du vent ; mais, cette