Page:La Revue blanche, t18, 1899.djvu/220

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affaire Dreyfus, une campagne systématique et perfide contre son armée. » (Vifs applaudissements au centre et à droite. 一 Bruits sur divers bancs à gauche.)

Le plus étonnant dans cette aventure inattendue n’est pas que M. Méline ait osé, après les événements récents, recommencer son jeu comme si de rien n’était : nous connaissons la rancunière impudence de cet agriculteur ; le plus étonnant n’est pas que la Chambre ait accueilli des mêmes applaudissements les mêmes déclarations : nous connaissons le peu que vaut cette assemblée ; le plus étonnant est que les meilleurs adversaires de M. Méline aient bien voulu, cette fois encore, lui complaire.

M. Méline est, à la Chambre et dans le pays, à beaucoup près, le chef le plus intelligent des nationalistes. M. Méline sait ce qu’il fait : il veut centraliser les haines antisémitiques et nationalistes contre les internationalistes ; et ceux-ci sont d’abord un peu déconcertés parce qu’ils n’ont pas de haines à centraliser : pourquoi ne veulent-ils pas voir que là est leur avantage personnel ?

M. Méline sait ce qu’il dit : sa thèse est que les internationalistes attaquent l’armée, plus précisément : que les internationalistes français attaquent l’armée de la nation française.

Comme internationalistes français, nous savons ce que nous disons quand nous lui répondons : Oui, nous attaquons universellement toute armée en ce qu’elle est un instrument de guerre offensive, c’est-à-dire un outil de violence collective injuste ; et nous attaquons particulièrement l’armée française en ce qu’elle est un instrument de guerre offensive en Algérie, en Tunisie, en Tonkin, en Soudan et en Madagascar, c’est-à-dire un outil de violence collective injuste ; et si nous attaquons l’armée française en particulier, c’est justement parce que, étant internationalistes, nous sommes encore français, parce que dans l’Internation nous sommes vraiment la nation française ; il n’y a même que nous qui soyons bien français : les nationalistes le sont mal. C’est parce que nous sommes bien français que les massacres coloniaux commis par de mauvais Français nous donnent comme un remords personnel ; c’est parce que nous sommes les Français des Internationalistes que les crimes du général Galliéni nous sont plus douloureux que les crimes des Anglais, des Allemands ou des Américains.

Que si par ce mot « l’armée » vous entendez la nation elle-même, armée pour la défense de sa liberté nationale, ce n’est plus vraiment d’une armée qu’il s’agit, mais, pour parler exactement, d’une contre-armées ; et toute la question est là : au lieu que la France devait devenir une contre-armées, je ne dirai pas qu’elle est devenue, mais je dirai qu’il lui est devenu une armée.

Voilà ce que nous répondons aux nationalistes, mais un député croit devoir complaire ; M. René Viviani croit devoir élever au nom de son parti une réponse très nette contre les paroles de M. Méline :

« Nous ne pouvons pas laisser dire par M. Méline, ni par qui que ce soit — lorsque, sous notre responsabilité, nous engageons certaines polémiques qui