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Notes
politiques et sociales
QUELQUES ÉGARÉS

Dans le message qu’il vient d’adresser à « messieurs les sénateurs » et à « messieurs les députés », M. Loubet constate que : « La transmission régulière des pouvoirs, accomplie en quelques heures,… a été aux yeux du monde entier une preuve nouvelle de la fidélité de la France à la République, au moment même où quelques égarés cherchent à ébranler la confiance du pays dans ses institutions. »

C’était nous qui, naguère, étions les égarés ; et même c’était quand les hommes du gouvernement voulaient nous faire une faveur qu’ils daignaient nous appeler seulement les égarés ; à présent les égarés sont ceux qui cherchent à ébranler la confiance du pays dans ses institutions.

De ces égarés nous ne retiendrons pas ceux que tout Le monde connaît et observe ; nous retiendrons celui qui est le plus dangereux parce qu’un certain nombre de bons citoyens se sont laissé séduire à sa fausse bonhomie : nous retiendrons M. Charles Dupuy.

Un excellent député radical me disait avant la loi de dessaisissement : « Nous votons pour le ministère Dupuy parce que c’est le seul moyen d’éviter le ministère Méline. » L’expérience a montré que ce n’était pas le moyen d’éviter le ministère Dupuy.

M. Dupuy n’est pas seulement dangereux par la confiance mal placée qu’il a su inspirer à un certain nombre de républicains ; il est devenu particulièrement dangereux parce que, d’ambitieux grossier qu’il était, il est devenu un ambitieux grossier malheureux.

Si les aventures de ce personnage n’avaient un retentissement dangereux sur nos libertés, une certaine pitié lui serait due pour ses malechances.

Il s’était, par un long silence laborieusement gardé, fait pardonner ses anciennes duplicités ; il avait fait le malade, l’homme fini, l’homme inoffensif ; et il était ainsi revenu au pouvoir.

Président du Conseil, il voulut tromper les deux partis en présence : il y réussit un certain temps ; il commençait à user lentement la Chambre criminelle de la Cour de cassation ; et, par une malechance dernière, quand M. Dupuy venait de tromper les républicains, à leur tour, M. Félix Faure laissa ouvrir la succession présidentielle.

Le surlendemain, le samedi dans l’après-midi, la France eut cette nouveauté que le Président de la République fut un président républicain. M. Charles Dupuy voulut user ce président comme il avait voulu déjà user les juges.

Malheureusement le Président du Conseil fut bien mal servi par des subordonnés trop zélés ; de la gare Saint-Lazare au ministère des