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Notes
politiques et sociales
ASSOCIATIONS

Pendant que la loi sur les associations, depuis si longtemps promise, est enfin sur le métier, M. Charles Dupuy, homme de gouvernement, essaie, par tous les moyens, et de préférence par les mauvais, de dissoudre les associations récemment constituées.

Ce fut un jeu, à la fois facile et très spirituel, de railler le nombre et la rapide poussée de ces récentes associations ; ce fut aussi un jeu que de les considérer comme étant pareilles et du même ordre. Elles étaient, sous ce nom commun de ligues, profondément différentes.

La Ligue des Patriotes avait une existence ancienne, réelle et, en un sens, naturelle, exprimant très bien cette idée de la revanche, qui est une variété de l’antique talion ; les ligueurs de cette ligue étaient, comme ils devaient, grandiloquents, barbares, bizarres, nationalistes ; ils étaient, comme ils devaient, inintelligents, bruyants, brutes dans les rues, plus bêtes que méchants, et pourtant très méchants ; ils exerçaient dans le civil des vices militaires qu’ils avaient déracinés à cet effet.

La Ligue antisémitique de France avait une existence un peu plus factice et beaucoup plus fausse ; réactionnaire au sens exact de ce mot, elle fondait sur une connaissance enfantine du moyen-âge et sur des ethnologies extraordinaires la justification pédante et gauche des instincts les plus vils, les plus lâches, les plus décadents : elle proposait aux Français, pour que la France leur fût rendue, de se mettre à plusieurs millions pour tenir au bagne un officier français innocent ; les ligueurs de cette ligue furent, comme ils devaient, louches et tartufes ; et ils employaient à leurs manifestations, comme ils devaient, les populations de métier louche.

Nos lecteurs savent comment naquit la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen ; dès le principe elle réunit des hommes, des citoyens venus de tous les partis honnêtes précédemment constitués ; et cependant cette ligue ne faisait aucune conciliation, aucune concentration, aucune compromission ; pourquoi les honnêtes gens de tous les partis honnêtes s’empressèrent-ils d’y entrer ? pourquoi certains hommes qui, jusqu’alors, avaient imparfaitement conformé leur conduite politique à la vénérable Déclaration des droits de l’homme et du citoyen s’empressèrent-ils, contre leurs intérêts les plus évidents, de travailler de toutes leurs forces à la constitution et au progrès de cette ligue ? À moins d’assigner mesquinement à cette conversion des raisons, des causes imbéciles, c’est-à-dire