Page:La Revue blanche, t19, 1899.djvu/634

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égards, est à peu près moyenne, intermédiaire. Pendant les anciennes guerres de religion les catholiques impériaux et les protestants d’Allemagne et d’Angleterre s’y donnèrent souvent rendez-vous. Dans les nouvelles guerres de religion, il est devenu assez vite évident que, au moins pour un temps, les batailles principales seraient données en France.

En elle-même l’affaire Dreyfus a eu, depuis le commencement, une singulière valeur dramatique, une extraordinaire puissance d’art dramatique. Il est certain qu’elle a, aussi, réussi dans le monde comme un beau drame humain, à la fois réel et bien conduit. Par les attaques féroces, puériles, sournoises des uns elle avait l’intérêt compliqué des drames barbares, et par la ferme défense des citoyens elle avait la simple beauté harmonieuse de la tragédie antique.

Enfin il faut avouer que les antidreyfusistes ont fait tout ce qu’ils ont pu pour donner à l’affaire Dreyfus un éclat exceptionnel, et comme ils sont puissants ils y ont puissamment contribué. Ce sont eux qui ont fait de l’accusation une accusation exceptionnelle, de la condamnation une condamnation exceptionnelle, de la sanction une sanction exceptionnelle : cela seul conduisait à ce que la réhabilitation fût exceptionnelle. Ces bandits jetèrent tant de boue qu’ils appelèrent pour ainsi dire les balayeurs ; ils firent tant de mal qu’ils appelèrent les médecins.

Pour ces raisons qui se présentent les premières et pour des raisons nombreuses qui seraient à chercher, l’affaire Dreyfus devint universelle, et la première conséquence de cette extension fut, nous le verrons, l’épouvantable extension des responsabilités.

Charles Péguy
LA CLÔTURE DE LA CONFÉRENCE

Nous avons déjà plusieurs fois commenté et discuté les actes de la Conférence de La Haye. Il faut y revenir maintenant, puisqu’aussi bien le discours de clôture a été prononcé par M. de Staal le 30 juillet dernier.

Il s’est trouvé, en somme, assez peu d’organes, même du côté conservateur, pour célébrer sur le mode lyrique l’œuvre de ce Congrès si impatiemment attendu et, à l’origine, enveloppé de tant de sympathies. Il y a eu plutôt dessein de pallier la défaite, de masquer l’avortement sous un voile de phrases habilement pompeuses.

Lorsqu’on s’en réfère — même sans la plus légère ironie — aux trois articles fondamentaux du programme que les diplomates s’étaient proposé : la codification des lois de la guerre, la restriction des armements, la rédaction d’une convention d’arbitrage, l’on est bien forcé de convenir que le résultat est plutôt modeste et piteux.