n’avons pas à leur en savoir gré. Ce qui nous a sauvés du désarroi, de la débâcle, et peut-être aussi de la défaite, c’est la sagesse, la robustesse, la santé, le bon sens, la franchise et la droiture de la France ouvrière et paysanne. Les soldats de l’armée socialiste, comme les soldats de la plupart des armées, ont valu mieux que leurs chefs. Ou plutôt les soldats furent excellents, quand les chefs étaient coupables. Cela s’est déjà vu dans les guerres de la Révolution.
Et que l’on ne m’oppose pas les services incontestables rendus par Vaillant, par Lafargue, et surtout par Guesde au parti socialiste. Il y aurait d’abord à faire le décompte de ces services, et rien ne serait plus difficile, car il n’y a rien d’aussi difficile que de décompter, dans une conversion, la part du converti et celle du convertisseur ; il faudrait savoir ce que les admirables régions ouvrières du Nord, par exemple, qui sont devenues guesdistes, auraient donné par elles-mêmes et valaient par elles-mêmes. On ne le saura jamais. Mais quand un chef d’école, honnête homme, au sens ordinaire du mot, a dans son entourage le plus proche un disciple tel que M. Zévaès, il est permis de douter que le maître ait exercé une influence utile sur le caractère de ses élèves. Ensuite, si par définition les partis conservateurs, tournés vers le passé, doivent avoir sans cesse en considération respectueuse les services passés, par leur définition contraire les partis révolutionnaires, sans cesse orientés vers le futur, ne doivent avoir aucune considération aux services passés. Enfin, il importe que l’on s’entende sur le sens de ce mot services. Il nous arrive aussi de l’employer, de dire que tel ou tel a rendu de grands services à la cause socialiste. Mais il faut que l’on sache bien que nous ne l’entendons pas alors au même sens que les conservateurs bourgeois. C’est seulement pour nous une expression commode, pour signifier que tel ou tel a travaillé très fructueusement pour la cause socialiste. Il ne peut pas entrer dans notre pensée que l’idéal socialiste soit redevable de quoi que ce soit à qui que ce soit de nous ; il ne peut pas entrer dans notre pensée que nous soyons comme des créanciers et que notre idéal soit notre débiteur. Nous savons bien que c’est nous qui lui devons tout, si l’on veut parler de dette, que nous lui devons la raison même de notre vie.
D’ailleurs je demande si un parti conservateur même aurait en considération des services passés dont toute l’autorité n’aurait servi qu’à donner de l’éclat à un scandale récent, qu’à rendre possible, plus retentissante, plus grave une faute récente. Il n’y a que les généraux commandant une armée qui puissent trahir pour la valeur d’une armée, et l’on ne devient pas général en chef si l’on n’a pas rendu au moins quelques services dans les camps, à la ville ou à la cour.
Effrayants à constater chez les chefs d’école, chez les chefs de parti, que l’on connaît de loin, par leurs discours, par leurs brochures, par leurs livres, par leurs articles, par leurs portraits, ces ravages d’immoralité sont plus douloureux encore à suivre chez le partisan, chez le camarade que l’on connaît, que l’on tutoie. Je connais un gues-