Page:La Revue blanche, t20, 1899.djvu/139

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du Congrès national du Parti ouvrier français, tenue à Épernay, le 15 août. On sait dans quelles dispositions toutes ces bonnes gens de province étaient venus au congrès. Mais le chef prit la parole et nous lisons dans la note communiquée aux journaux par l’Agence Havas :

… Après une suspension de séance, le Conseil national a proposé à l’unanimité la résolution suivante :

« Le Congrès, prenant acte de la déclaration du Conseil national qu’il n’a entendu viser ni excommunier personne, ainsi que des trop nombreuses déviations signalées par la grande majorité des délégués qui sont intervenus dans le débat, reconnaît : 1o Qu’en publiant le manifeste dans les conditions où il a paru, le Conseil national a usé du droit qui lui était donné par l’article 3 du règlement général du parti ; 2o que conformément aux décisions de tous les congrès précédents, le Conseil a rempli son devoir en rappelant la France ouvrière et socialiste à son véritable terrain, celui de la lutte des classes. »

Le Congrès a adopté cette résolution à l’unanimité. De longues acclamations ont suivi ce vote, qui clôture toutes les divergences d’opinion dans les groupes du parti.

Le Congrès a adopté ensuite cette deuxième résolution :

« Le Congrès rappelle que, par la conquête des pouvoirs publics, le Parti ouvrier français a toujours entendu l’expropriation politique de la classe capitaliste, que cette expropriation ait lieu pacifiquement ou violemment, qu’elle ne laisse place par suite qu’à l’occupation des positions électives dont le Parti peut s’emparer au moyen de ses propres forces, c’est-à-dire des travailleurs organisés en parti de classe, et pour l’avenir, laisse le soin au Conseil national d’examiner à l’occasion et selon les circonstances si, sans quitter le terrain de la lutte de classes, d’autres positions peuvent être occupées. »

Cette deuxième résolution a été également adoptée à l’unanimité. De longues acclamations se sont élevées de nouveau.

Ce n’est point pour chercher un scandale que je compare les abus d’autorité de Guesde aux abus africains. De même on doit assimiler la trahison de M. Chanoine, le père, le général, à celle de son fils. Entrer dans un ministère pour y faire la révision, arriver à la Chambre un jour de grande séance, monter à la tribune et prononcer quelques phrases, descendre et s’en aller, ou bien se réunir à trois et rédiger un manifeste que l’on communique aux journaux, toutes ces démarches parlementaires et de forme civilisée ont l’air de ne rien avoir de commun avec le sauvage exercice qui consiste à se faire apporter les mains des indigènes que l’on a fait massacrer. C’est en effet le caractère propre des guerres civiles modernes qu’elles se continuent pendant de longs mois, pendant de longues années sous des apparences à peu près civilisées. Tout cela n’est que paroles, écrits, discours et articles, démarches politiques et cérémonies plus ou moins correctement officielles, jusqu’au jour où les excitations depuis longtemps continuées atteignent enfin leur plein effet. Mais alors tout se rompt. La vieille barbarie se vautre toute par le monde vraiment civilisé, la cruauté se lâche toute, et la répression versaillaise n’est pas moins féroce que l’expédition coloniale. C’est ainsi qu’une démission, qu’un manifeste peuvent presque directement causer plus de souffrance et de sauvagerie qu’une insubordination militaire. Prétendre en certaines circonstances qu’un manifeste n’est que du noir sur du blanc, de l’encre sur du papier, de la simple écriture, est une tartufferie ajoutée aux précédentes. Un manifeste peut tuer des hommes parce qu’il peut tuer des idées. En nous exposant,