Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
La chambre du Maître d’école.
Mouroc, Mort-aux-Rats ; Le Maître d’école et Théophilot entrent chargés de bouteilles

Le Maître d’école, (chante) :

Vivat Bacchus, Bacchus vive,
Bacchus était un brave homme !

(À Théophilot).

Pinceau de l’Albane, chante donc avec moi !

Théophilot, (croasse) :

Vivat Bacchus, Bacchus vive,
Bacchus était un brave homme !

Mouroc. — Théophilot, tu croasses à faire les pierres se souhaiter des oreilles rien que pour pouvoir se les boucher.

Le Maître d’école. — Hé, hé ! Le gamin n’a-t-il pas une voix toute charmante ? J’ai déjà serré dans mon pupitre 22 lettres des Sirènes ; elles veulent absolument l’engager parmi elles ; mais je leur réponds chaque fois qu’il est encore trop jeune.

Mort-aux-Rats. — Ennasé manieur de férule, laisse la billevesée et mets des verres sur la table.

Le Maître d’école, (les plaçant). — Ils y sont.

Mort-aux-Rats. — Vite donc, buvons !

Le Maître d’école. — Patience ! Patience ! une demi-minute !

(Il court au lit, arrache le drap et se l’enroule autour de la tête.)

Mouroc. — Diable ! Qu’est-ce que cette folle mascarade ?

Le Maître d’école. — Pure prévoyance, monsieur Mouroc ! Pure prévoyance. A cause de la chute, je me soûle volontiers la tête capitonnée.

Mouroc. — O sage, expérimenté praticien ! Comme ton élève soumis, je te copie sur-le-champ, selon les règles de ta prévoyance !

Mort-aux-Rats. — Et j’en fais autant !

(Ils arrachent deux draps et s’enveloppent la tête pareillement.)

Le Maître d’école. — Vraiment, messieurs, nos trois têtes se prennent dans ces monstrueux draps, comme trois malheureuses mouches tombées au milieu d’un seau de lait.

Mouroc. — Maître d’école, racontez-nous une histoire de votre jeune temps.

Mort-aux-Rats. — Oui, oui, de votre jeune temps !

(Ils s’asseyent autour de la table et pintent.)