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Réflexions sur le Congrès socialiste


Le premier Congrès général du Parti Socialiste français s’est réuni au Gymnase Japy, le dimanche 3 décembre. Les circonstances qui ont déterminé sa convocation sont suffisamment connues. Voilà près d’un an que M. Jean Jaurès — notamment dans la préface dont il faisait précéder l’étude de M. Edgard Milhaud sur le Congrès de Stuttgard — demandait la création d’une Constituante qui ramenât l’union parmi des sectes divisées et donnât enfin sa constitution au Parti. La Petite République menait, avec une persistance pleine de tact, une campagne analogue. Le prolétariat parisien, au meeting de Tivoli, les groupes provinciaux, par des ordres du jour multipliés, secondaient efficacement ces vues. Survinrent enfin trois événements décisifs : M. Millerand en acceptant de prendre place dans un cabinet bourgeois, où siégeaient par surcroît deux des hommes les plus diversement odieux au prolétariat, jetait le monde socialiste dans une sorte d’accablement sans issue ; MM. Vaillant et Jules Guesde, en lançant contre M. Jaurès leur manifeste fameux d’excommunication hautaine, créaient parmi les militants une discorde violente et qui échappait à toute sanction. On comprit ainsi, par des exemples frappants et comme grossis à plaisir, la nécessité d’une organisation centrale qui évitât au parti ces graves déperditions de force, qui exerçât à la fois une impulsion et un contrôle, une direction et un arbitrage. En sens inverse, la menace du complot prétorien et clérical donnait la claire notion des périls que courait la République, dont le salut politique est la condition même de tout progrès social. Par là apparaissait la nécessité, peut-être prochaine, de grouper toutes les forces prolétariennes pour la défense révolutionnaire de l’ordre légal.

Le Congrès a donc été réuni pour faire l’Union, et il l’a faite. Toute la question est de savoir s’il l’a faite durable et sincère. Certains le nient ; pour moi, je le crois. Les débats du Congrès se sont prolongés durant douze séances consécutives ; ils ont été parfois violents, souvent confus. Et à lire les analyses des journaux ou même le compte-rendu sténographique, on s’étonnera que de ces moments d’agitation désordonnée ait pu sortir autre chose qu’un compromis apparent et précaire, mais bien l’organisation et la paix. Ce mystère s’explique pourtant par une raison bien simple, c’est que l’union, avant d’être votée, était faite. C’est que, sur toutes les questions graves, l’accord était réalisé entre les socialistes, et qu’on ne divise pas indéfiniment un grand parti avec des rancunes ou des jalousies.

Au Congrès de Paris, il n’y eut que des socialistes. Le Comité d’entente — formé par les délégués des cinq grandes organisations : Parti Ouvrier Français (Guesde), Parti Socialiste Révolutionnaire