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Depuis ce jour grisant d’un printemps qui naissait,
Où, galant, le hasard mêla nos aventures ?
Je sais encor le goût de vos baisers, je sais

Que vos yeux étaient bleus, et, de vos chevelures,
Que l’une, sa blondeur de paille rehaussait,
Qui semblait prise à l’autre aux lauves cannelures.


DÉVOTIONS

« — Eros, j’ai fait porter au temple deux chevreaux
Et la barbe du plus beau bouc de mes troupeaux :
Chloé m’attend ce soir ; je lui garde ces roses
Moins odorantes que sa chair, comme elle écloses

Pour célébrer Vénus renaissante des eaux.
J’ai taillé cette flûte aux tiges des roseaux
Qui disent, partageant ton haleine, ces choses
Si tendres qu’elles font céder celle qui n’ose...

Inspire-moi comme eux, afin que mon chant touche
L’amie à qui je veux ce soir donner mon cœur.
Et qu’éloignant la fliite, elle boive à ma bouche,

Impatiente et belle, ma vie en bonheur !
Mais que Rahel la brune et Maina l’ignorent.
Car Chloé, si je l’aime elles je les adore. »


— Cypris, j’ai déposé ce soir sur ton autel
Deux colombes, des lis, avec un pain de miel :
Daphnis vient cette nuit ; apprends-moi des caresses
Si douces, qu’il oublie, au nid de mes tendresses.

Toutes celles qui l’ont aimé, depuis Uahel
La Juive, et Maïna, dont on dit que le ciel
De Samos a fleuri les yeux, et dont les tresses
Sont claires comme l’or, — et toutes les maîtresses

Qui remplirent son cœur de petites images !
Que chacune sefTace au souffle des baisers
Que je veux en guirlande autour de son visage,

Pour que, seule en son cœur, je puisse reposer
Et lui sourire, dans le songe et dans la veille.
Sans craindre, auprès de moi, qu’une autre le réveille. »

Charles-Henry Hirsch