Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/76

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rité d’une bien terne partenaire, sur laquelle les autres, à l’exception de Mlle Cécile Caron, n’ont pas craint de prendre ton.

Beaucoup de mouvement et une assez franche gaîté n’eussent peut-être pas suffi à assurer une carrière durable à Coralie et Cie que MM. Albin Valabrègue et Maurice Hennequin font représenter au Palais-Royal. Mais une curieuse trouvaille de mise en scène a diverti singulièrement : il n’en fallait pas plus pour faire un succès d’originalité à ce vaudeville, dont l’originalité est à coup sûr la qualité la plus contestable. Au surplus, qu’importe ici, où il ne s’agit que de rire, puisqu’on a ri du meilleur cœur ? À ce résultat les comédiens ont contribué pour une large part, dans leurs personnages assez pâlots au demeurant, si l’on met à part le couple Coralie, impunément emprunté à Dickens.

C’est un vaudeville aussi que M. Tristan Bernard a donné à l’Athénée, sous ce titre peu équivoque : la Mariée du Touring-Club. Certains, même bienveillants, lui ont reproché une telle condescendance pour un art jugé inférieur, comme si la sotte querelle des genres n’était point depuis longtemps close et comme si autre chose importait que réussir dans un genre quel qu’il soit. Mais on a contesté que M. Tristan Bernard ait réussi : le reproche alors, autrement grave, me paraît non plus injustifié, mais injuste. Je ne prétends point qu’en ce premier ouvrage de longue haleine, M. Tristan Bernard ait atteint la perfection : il y manque l’unité, la tenue de comique qui distinguent ses pièces en un acte ; ces taches se remarquent aisément et je gage que l’auteur ne fut pas le dernier à s’en rendre compte ; mais il n’a pas lieu de s’en émouvoir outre mesure, ayant péché plutôt par excès que par défaut, aussi par quelque inexpérience encore. Quelques erreurs, nullement fondamentales, n’empêchent pas la Mariée du Touring-Club d’être un spectacle éminemment divertissant et de saveur spéciale, quoi qu’on ait pu dire.

Évidemment, on exige, on est en droit d’exiger de M. Tristan Bernard plus, c’est-à-dire autre chose que d’un amuseur ordinaire. Mais il a donné autre chose en effet dans cette comédie. Les caractères sont bien à lui, incontestablement, et traités selon son mode propre, avec cette cocasserie familière et tranquille où il excelle ; quelques types attestent même une parenté évidente avec ceux de l’inoubliable Jeune homme rangé : l’infortuné Léon ne semble-t-il pas le cadet, point trop indigne, de Daniel Henry lui-même ? Mais outre que certaines finesses s’émoussent ou se dissimulent dans le mouvement scénique, il est forcé que les personnages, une fois emportés par la situation, perdent quelque peu de leur originalité primitive. Ce mouvement est des plus trépidants, cette situation des plus folles, si l’on veut ; toutefois on reconnaîtra que la manière n’est pas, à proprement parler, vaudevillesque, puisque le vaudeville n’y sévit pas de toute nécessité, mais s’y installe de propos délibéré : en d’autres termes, les événements ici ne se déforment pas arbitrairement : la