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De l’Éducation religieuse


Depuis que j’ai vu clairement — il y a vingt ans de cela — comment l’humanité devait et pouvait vivre heureuse, et par quelle folie cependant générations après générations se torturaient et se perdaient, j’ai reporté de plus en plus loin la cause fondamentale de cet égarement funeste.

J’avais cru la voir d’abord dans une fausse organisation économique, puis dans la violence qu’emploient les gouvernements pour faire fonctionner cette organisation ; je suis maintenant convaincu que la cause originaire de tout le mal est cette conception religieuse erronée que nous recevons de notre éducation.

Nous sommes tellement habitués au mensonge religieux qui nous entoure que nous ne remarquons pas toute l’horreur, toute la sottise et toute la dureté qui remplissent l’enseignement de l’Église. Nous ne remarquons pas cela : mais nos enfants le remarquent et leurs âmes restent irrémédiablement déformées par cet enseignement. Il suffit cependant d’avoir clairement compris ce que nous faisons en imposant à nos enfants l’étude de cette prétendue loi divine pour être effrayé du crime terrible que nous commettons ainsi.

Un enfant, tout pureté et tout innocence, qu’on n’a pas encore trompé et qui n’a jamais trompé vient à nous — à nous, hommes qui avons vécu et qui disposons ou pouvons disposer de tout le savoir accessible à l’humanité de notre temps ; il nous interroge sur les principes qui doivent guider l’homme dans la vie. Et que lui répondons-nous ? Souvent nous n’avons même plus à lui répondre, car notre prévoyance a pris soin qu’il put trouver en lui la réponse toute prête, à l’heure où s’éveillerait sa curiosité.

Nous répondons à ses questions par une légende juive, grossière, incohérente, souvent purement inepte et surtout cruelle, dont nous lui donnons à lire la version authentique, quand nous ne lui en faisons pas, ce qui est pis encore, un récit de notre façon. Nous lui racontons — en lui inspirant par nos paroles le respect qu’on doit à une vérité sacrée — des choses auxquelles nous savons bien qu’il serait absurde de croire et qui n’ont aucun sens pour nous. Nous lui disons qu’un être mystérieux et sauvage, que nous appelons Dieu, conçut, il y a quelque six mille ans, le projet de créer le monde, qu’il le créa en effet ainsi que l’homme ; mais que, l’homme ayant péché, le dieu méchant lui imposa, et à nous aussi, la punition de sa faute, puis qu’au prix de la mort de son fils il s’acheta à soi-même notre pardon. Nous ajoutons que notre grande affaire est de nous rendre ce dieu propice et d’échapper aux tourments auxquels il nous a condamnés.

Il nous semble que toutes ces fables n’ont pas grande importance, et même qu’elles peuvent rendre service à l’enfant. Et nous l’écou-