Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/180

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bruits, de rumeurs et de cris, eux si calmes, dans leurs planches pourries et dont le morne silence est interrompu, parfois, soit par un cheveu qui tombe ou par un ver qui glisse sur un peu de chair. — Comme ils dorment là, couchés sans bruit, — sous la terre, sous le gazon fleuri !

Cependant, l’hiver ils doivent avoir froid sous la neige.

Oh ! s’ils se réveillaient alors, — s’ils venaient à revivre et qu’ils vissent toutes les larmes dont on a paré leur drap de mort taries, tous ces sanglots étouffés, — toutes les grimaces finies. — Ils auraient horreur de cette vie qu’ils ont pleurée en la quittant, et ils retourneraient vite dans le néant si calme et si vrai.

Certes, on peut vivre, et mourir même, sans s’être demandé une seule fois ce que c’est que la vie et que la mort.

Mais pour celui qui regarde les feuilles trembler au souffle du vent, les rivières serpenter dans les prés, la vie se tourmenter et tourbillonner dans les choses, les hommes vivre, faire le bien et le mal, la mer rouler ses flots et le ciel dérouler ses lumières, et qui se demande : pourquoi ces feuilles ? pourquoi l’eau coule-t-elle ? pourquoi la vie elle-même est-elle un torrent si terrible et qui va se perdre dans l’océan sans bornes de la mort ? pourquoi les hommes marchent-ils, travaillent-ils comme des fourmis ? pourquoi la tempête ? pourquoi le ciel si pur et la terre si infâme ? Ces questions mènent à des ténèbres d’où l’on ne sort pas.

Et le doute vient après ; c’est quelque chose qui ne se dit pas, mais qui se sent. — L’homme alors est comme ce voyageur perdu dans les sables, qui cherche partout une route pour le conduire à l’oasis, et qui ne voit que le désert.

Le doute, c’est la vie ? — L’action, la parole, la nature, la mort, doute dans tout cela.

Le doute, c’est la mort pour les âmes ; c’est une lèpre qui prend les races usées ; c’est une maladie qui vient de la science et qui conduit à la folie. La folie est le doute de la raison, c’est peut-être la raison elle-même.

Qui le prouve ?


XX


Il est des poètes qui ont l’âme toute pleine de parfums et de fleurs, qui regardent la vie comme l’aurore du ciel ; d’autres qui n’ont rien que de sombre, rien que de l’amertume et de la colère ; il y a des peintres qui voient tout en bleu, d’autres