Page:La Revue blanche, t24, 1901.djvu/181

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tout en jaune ou tout en noir. Chacun de nous a un prisme à travers lequel il aperçoit le monde ; heureux celui qui y distingue des couleurs riantes et des choses gaies.

Il y a des hommes qui ne voient dans le monde qu’un titre, que des femmes, que la banque, qu’un nom, qu’une destinée ; folies ! J’en connais qui n’y voient que chemins de fer, marchés ou bestiaux ; les uns y découvrent un plan sublime, les autres une farce obscène.

Et ceux-là vous demanderaient bien ce que c’est que l’obscène ? Question embarrassante à résoudre, comme les questions. J’aimerais autant donner la définition géométrique d’une belle paire de bottes ou d’une belle femme, deux choses importantes.

Les gens qui voient notre globe, comme un gros ou un petit tas de boue sont de singulières gens ou difficiles à prendre.

Vous venez de parler avec un de ces gens infâmes, gens qui ne s’intitulent philanthropes et qui ne votent pas pour la démolition des cathédrales sans craindre qu’on les appelle carlistes ; Mais bientôt vous vous arrêtez tout court ou vous vous avouez vaincu, car ceux-là sont des gens sans principes qui regardent la vertu comme un mot, le monde comme une bouffonnerie. De là, ils partent pour tout considérer sous un point de vue ignoble ; ils sourient aux plus belles choses et, quand vous leur parlez de philanthropie, ils haussent les épaules et vous disent que la philanthropie s’exerce par une souscription pour les pauvres.

La belle chose qu’une liste de noms dans un journal !

Chose étrange que cette diversité d’opinions, de systèmes, de croyances et de folies !

Quand vous parlez à certaines gens, ils s’arrêtent tout à coup effrayés, et vous demandent : Comment, vous nieriez cela ? vous douteriez de cela ? peut-on révoquer le plan de l’univers et les devoirs de l’homme ? Et si, malheureusement, votre regard a laissé deviner un rêve de l’âme, ils s’arrêtent tout à coup et finissent là leur victoire logique, comme ces enfants effrayés d’un fantôme imaginaire, et qui se ferment les yeux sans oser regarder.

Ouvre-les, homme faible et plein d’orgueil, pauvre fourmi qui rampes avec peine sur ton grain de poussière ; tu te dis libre et grand, tu te respectes toi-même, si vil pendant ta vie, et par dérision sans doute, tu salues ton corps pourri qui passe. Et puis tu penses qu’une si belle vie, agitée ainsi