Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/122

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agrément, je n’en tirerais que des injures. Toutefois, mes amis m’ayant assuré que la représentation aurait malgré tout sa signification, il me sembla qu’il y aurait manque de courage à reculer. Voilà comment les choses se sont passées. Quel dommage pour le portrait que M. Larroumet s’est donné la peine de tracer de moi ! Ce portrait n’est pas seulement mauvais, il est absolument faux.

C’est par ces suppositions erronées que le critique du Temps se laisse entraîner à établir un parallèle entre Ibsen et moi. Il loue très fort le silence observé par Ibsen. Supposons cependant que ce dernier soit du même avis que moi ! En ce cas, est-ce vraiment en se taisant, ou est-ce en parlant qu’on fait preuve d’une supériorité plus grande ? Une telle classification n’indiquerait-elle pas un esprit digne de l’âge des perruques ? Moins on s’exposerait au contact des réalités de l’heure présente, plus on montrerait de noblesse de caractère, d’élévation d’esprit ! Nous autres Européens ne connaissons pas une aristocratie intellectuelle basée sur ce critérium, ni ne voulons même en entendre parler. Passons maintenant aux questions qui font l’objet de la discussion.

M. Larroumet n’a pas réussi à affaiblir un seul des exemples que j’ai donnés de l’esprit conservateur et exclusif des Français.

C’est un fait, et récemment, à la mort du célèbre artiste, on en a vu d’éclatants témoignages, que l’Europe tient Bœcklin pour le plus grand peintre-penseur contemporain. En niant cette vérité, M. Larroumet, le représentant de l’esprit français, ne fait que prouver surabondamment, que la France emploie dans ses jugements une échelle qui lui est particulière. M. Larroumet dit que Bœcklin est obscur : au point de vue de l’exécution, il peut y avoir beaucoup à redire sur cet artiste, mais seul l’esprit français peut le trouver obscur. N’est-ce pas le même reproche que les Français adressent depuis plus d’un siècle à Shakespeare ; que, dès le commencement, ils faisaient à Wagner : qui a trouvé son expression dans une préface qu’Alexandre Dumas fils consacre à Goethe, et qui est un véritable scandale littéraire ? Nous autres, nous comprenons Bœcklin ; pour nous, tout ce qu’il a fait est clair. Mais M. Larroumet va plus loin et découvre des affinités entre Bœcklin et moi. Pour toute réponse, je pourrais me borner à lui rappeler l’hilarité que souleva cette découverte. Cependant, comme il est peu probable que M. Larroumet lise d’autres journaux que les fran-