qu’il sest préparé, comme on goûte une sauce de haut goût. Incontestablement il est parvenu, sur ce terrain, à la virtuosité. Il est foncièrement moderne et, quand il s’offre en exemple au monde civilisé, ce n’est pas sa faute si on l’imite maladroitement, c’est au contraire pour lui une flatterie perpétuelle que lui seul soit original dans une chose où d’autres voudraient l’imiter. Cet homme est entièrement « journal » ; pour lui, l’art plastique de même que la musique est un objet de « feuilleton ». En qualité d’homme moderne, il s’est adapté le premier, comme il a fait pour son costume à l’égard duquel il procède uniquement d’après le caprice de la nouveauté, c’est-à-dire d’un changement perpétuel. Ici l’ameublement est l’objet principal, c’est pour lui que l’architecte construit le bâtiment. Cette tendance se maintint originale jusqu’à la Révolution, en ce sens qu’elle s’adaptait au caractère de la classe dirigeante de la société, de la même manière que le vêtement s’harmonisait avec le corps et la frisure avec la tête. Mais ensuite, cette tendance tomba plus bas encore, car les classes supérieures se gardèrent timidement de donner le ton à la mode et en laissèrent l’initiative aux couches plus vastes parvenues au pouvoir. (C’est toujours Paris que nous avons en vue.) Ici donc, ce qu’on appelle le « demi-monde », avec sa suite de galants, devint le coryphée de la mode : la dame parisienne en imita les allures et le costume pour se rendre attrayante aux yeux de son époux. Dans ce demi-monde, tout au moins l’originalité est encore telle que la morale et le costume se conviennent et se complètent. Mais ailleurs on a renoncé à exercer la moindre influence sur les arts de la forme qui sont tombés dans le domaine des marchands d’objets à la mode, quincaillerie et tapisserie — c’est à peu près ainsi qu’ont débuté les arts chez les peuples nomades ! — En face de ce constant besoin de nouveautés, attendu qu’elle-même ne peut jamais rien produire de réellement nouveau, la mode a, comme unique ressource, l’alternance des extrêmes : c’est à cette tendance que nos artistes, étrangement inspirés, se rattachent, pour nous représenter, eux aussi, de nobles formes d’art que, naturellement, ils n’ont pas inventées. Maintenant l’antique et le rococo, le gothique et la Renaissance permutent entre eux ; les fabriques livrent des groupes de Laocôon, des porcelaines de Chine, des copies de Raphaël et de Murillo, des vases étrusques et des tapis du moyen âge, ajoutez à cela des meubles Pompadour et de la stucature Louis XIV ; l’architecte enferme le tout dans une bâtisse de style florentin et pose dessus une Ariane.
Aujourd’hui, l’art « moderne » devient lui aussi un nouveau principe pour l’esthéticien : son caractère original est son manque total d’originalité et son avantage inappréciable consiste dans le trafic de tous les styles qui sont devenus maintenant accessibles à la plus grossière perception et peuvent s’approprier à volonté au goût de chacun. Mais il faut encore accorder à cet « art moderne » un nouveau principe d’humanité, la démocratisation du goût artistique. On dit qu’il faut en prendre espoir pour l’éducation future du peuple ; car maintenant l’art et ses