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LA REVUE BLANCHE


surgeon vivace dans le romantisme de Gautier, plus romantique qu’Hugo dans la recherche de la couleur, dans le choix des sujets, mais plus classique dans Texpression ; quant à l’application du vers à l’idée, au choix du sujet, Gautier se retranche des terroirs d’éloquence, de politique, etc. Après Gautier, Leconte de Lisle, d’essence romantique puisqu’il marque une évolution, se débarrassant d’un préjugé issu de la dernière lutte, où l’on avait abandonné les sujets antiques, que les classiques de la Restauration avaient ridiculisés, ajoute au Romantisme l’Hellénisme retrouvé à ses sources vraies par dessus l’interprétation du xviie siècle.

Ce fut également un des labeurs de Théodore de Banville, qui, puisque c’était son don admirable, y mit de la fantaisie, et évoqua des dieux grecs à lui personnels (voir les Exilés).

D’un autre côté, le romantisme d’Hugo n’avait point étouffé la veine, presque purement classique dans le bon sens du mot, de Sainte-Beuve. Son esprit aigu, son souple sens critique et ses quelques études scientifiques dictaient à Sainte-Beuve un art mesuré, prudent, non de lyrisme, mais d’observation, d’auto-analyse, que le peu d’étendue de ses facultés poétiques ne lui permit pas de réaliser fortement. Baudelaire apporta quelque attention à cette œuvre, moins sans doute qu’à celle de Gautier, et il y trouva les premiers linéaments de son romantisme psychique et moderniste, gâté, à quelques poèmes, de ce satanisme et de ce mauvais dandysme religieux qui justement, par une bizarrerie du sort, donnent prise contre lui à quelques récents pédants de sacristie.


Quand le Parnasse se constitua, les autorités aimées et respectées par les jeunes poëtes qui en firent partie étaient de deux sortes et formaient, pour ainsi dire, deux bans.

Il y avait leurs préférés parmi les fondateurs du Romantisme et leurs émules immédiats. Les Parnassiens étaient étrangers à Lamartine et suivaient (officiellement du moins) à propos de Musset l’indication de Baudelaire, à savoir que c’était un mauvais écrivain. Il y eut, pourtant des filtrations nombreuses d’influence de Musset sur les œuvres. C’était d’ailleurs plutôt contre les lamartiniens et les mauvais rejetons de Musset qu’ils étaient en lutte. Ils admirent (Hugo mis à part et au-dessus de tout, le Père qui « est là-bas dans l’Île », comme leur disait Banville, le Mancenilier, comme il fut dit plus tard), ils respectèrent Vigny, célébrèrent fort Gautier ; leur sympathie alla, divisement chaude, à Auguste Barbier et aux frères Deschamps.

Plus proches d’eux par l’âge, c’étaient Leconte de Lisle, Banville et Baudelaire. Jjaudelaire leur apprit beaucoup de choses, mais on ne saurait à aucini degré le traiter de parnassien.

Il esta noter (pif. rpioique les Parnassiens se soient toujours réclamés de Baudelaire, aucun n’affiche jamais pour lui une admiration aussi lyrique, aussi expansive que celles dont furent honorés Leconte de Lisle et Banville. La cause en est que les rapports entre Baudelaire et les