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Le Prolétariat juif mondial

Lorsque nous avons entrepris cette étude, nous savions qu’il existait des juifs pauvres ; que ces juifs étaient disséminés à travers l’Europe, l’Amérique et une petite partie de l’Afrique ; qu’ils émigraient, principalement vers le Nouveau-Monde ; et que dans certains pays on avait fait contre eux des lois d’exception. Néanmoins nous avions le droit de nous méfier des affirmations, des récits, des anecdotes rapportées sur ces juifs qui sont l’objet d’une haine particulière : la passion antisémite pouvait susciter une passion contraire, et inspirer une pitié (ou une admiration) [1] capable de grossir un peu les choses.

Or, nous devons dire qu’après avoir examiné la question d’une manière très attentive, après avoir consulté les documents officiels des gouvernements étrangers, les rapports des inspecteurs du travail, les livres des spécialistes, les brochures des polémistes, les discours des hommes d’État, les correspondances consulaires et diplomatiques, les enquêtes de toutes sortes, nous avons acquis la certitude que non seulement il existe un prolétariat juif considérable, mais que ce prolétariat est l’un des plus misérables, des plus exploités, des plus écrasés par le capital et le sweating system qui aient jamais existé.

Cela peut paraître un paradoxe pour les personnes dominées par la suggestion antisémite, ou ignorantes de ce qui se passe au delà des frontières.

Aussi, allons-nous laisser parler simplement les faits.

EN ROUMANIE

D’après le recensement de 1899, il y en Roumanie 269 000 juifs environ ; ils sont disséminés dans 97 villes ou petites villes. La majeure partie est composée d’artisans, tailleurs, ferblantiers, passementiers, etc. Ils exercent aussi les métiers les plus pénibles et les plus répugnants. Quant à leur misère, voici le témoignage de Rudolf Bergner, écrivain hostile aux juifs :

En passant, nous trouvons Targuli-Frumos et Podù-Hoci, de misérables trous sans arbres, à l’intérieur desquels pullulent les juifs, à l’extérieur, les corbeaux… L’intérieur de Jassy se présente comme la demeure d’innombrables vampires qui surpassent en saleté et en misère tout ce que nous avons vu auparavant (Rumœnien).

La mauvaise récolte de 1899 a porté au dernier degré la misère des Israélites roumains. Dans la Moldavie, particulièrement éprouvée par

  1. C’est si vrai qu’un écrivain ardent et amer, M. Léon Bloy, a écrit un livre qui porte ce titre : Le Salut par les Juifs