Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/450

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vré le pays dans une forte mesure des bandits et des meurtriers, et ils résolurent, en l’absence de l’autorité civile, régulière d’établir une Cour du Peuple où tous les coupables seraient jugés par un juge et un jury. C’était là la tentative la plus approchante de l’ordre social que permettaient les circonstances, et, bien que la stricte autorité de la loi lui fît défaut, la population était fermement résolue à en maintenir l’efficacité et à en imposer les décrets. On peut mentionner ici l’acte caractérisé qui fut pour Slade le dernier échelon de l’échafaud : avoir lacéré et piétiné un arrêt de cette cour, et mis en arrestation le juge Alex. Davis, de par un Derringer braqué sur lui et de ses propres mains.

« J. A. Slade était lui-même, nous en sommes instruits, un Vigilant ; il s’en vantait ouvertement et disait qu’il en savait aussi long qu’eux. On ne l’accusa jamais, on ne le soupçonna même pas de meurtre ni de vol commis dans ce territoire (le dernier crime ne lui fut jamais imputé nulle part) : mais qu’il eût tué plusieurs hommes dans d’autres localités était un fait notoire, et sa mauvaise réputation sous ce rapport fut un des arguments les plus puissants qui décidèrent de son sort, quand il fut finalement arrêté pour le délit mentionné plus haut. À son retour de Milk River, il se livra de plus en plus à la boisson, jusqu’à ce qu’enfin cela devînt pour lui et ses amis un exploit banal que de « prendre la ville ». On les voyait souvent, lui et une couple de ses acolytes, montés sur le même cheval, galoper dans les rues, en vociférant et en hurlant, en tirant des coups de revolver, etc… À maintes occasions, il entra à cheval dans les magasins, démolit les comptoirs, jeta dehors les balances et adressa le langage le plus insultant aux gens présents. La veille de son arrestation il avait donné une effroyable rossée à l’un de ses acolytes ; mais telle était son influence sur eux que cet homme pleura amèrement au pied de l’échafaud et supplia de toutes ses forces qu’on fît grâce à son chef. Il était devenu tout à fait habituel aux négociants et aux habitants, quand Slade était en bordée, de fermer les magasins et d’éteindre les lumières, dans la crainte de quelque outrage de sa part. Il était toujours prêt à payer la destruction capricieuse qu’il faisait des marchandises et du matériel, — dès qu’il était à jeun et qu’il avait de l’argent ; mais beaucoup de gens regardaient un paiement comme une mince compensation à l’outrage et ceux-là étaient ses ennemis personnels.

« De temps en temps Slade était averti, par des personnes