Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/451

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qu’il savait bien ne pas vouloir le tromper, du terme fatal qu’aurait sa conduite. Il n’y eut pas un seul instant, pendant les semaines précédant son arrestation, où le public ne s’attendît à apprendre quelque forfait sanguinaire. La terreur de son nom même, et la présence d’une bande armée de caudataires qui n’obéissaient qu’à lui, empêchèrent une résistance qui se fût nécessairement terminée par la mutilation ou le meurtre immédiat de l’adversaire.

« Slade avait à plusieurs reprises été arrêté par ordre de la Cour dont nous avons décrit l’organisation, et il l’avait traitée avec respect, payant une ou deux amendes et promettant de payer le reste quand il aurait de l’argent ; mais dans les événements de la crise en question, il oublia même cette précaution, et, poussé à bout par la colère et par la haine de toute contrainte, il se jeta dans l’étreinte de la mort.

« Slade avait fait l’orgie et la « bacchanale » pendant toute la nuit. Lui et ses compagnons avaient rendu la ville un véritable enfer. Au matin, J.-M. Fox, le shériff, le rechercha, l’arrêta et l’amena au tribunal où il se mit à lui lire son mandat d’amener en guise de mise en accusation. Slade devint irrésistiblement furieux, et, saisissant, l’acte il le lacéra, le jeta par terre et le piétina. Aussitôt on entendit cliqueter les ressorts des revolvers de ses compagnons et on s’attendit à un dénouement violent. Le shériff n’essaya pas de le retenir ; mais, étant au moins aussi prudent que vaillant, il céda, laissant Slade maître de la situation, conquérant, et dominateur des cours lois et législateurs. C’était une déclaration de guerre, elle fut acceptée comme telle. Le Comité de Vigilance comprit alors que la question de l’ordre social et de la prépondérance des citoyens paisibles devait se trancher dès cet instant.

« Ils connaissaient le caractère de Slade et savaient parfaitement qu’il leur faudrait se soumettre à sa domination sans murmure ou sinon agir envers lui de manière à le mettre dans l’impossibilité d’exercer sa vengeance contre le Comité. Celui-ci, en effet, n’aurait pu espérer vivre dans le Territoire à l’abri de l’outrage ou de la mort, pas plus qu’il n’aurait pu le quitter sans rencontrer des amis de Slade que sa victoire eût enhardis et exaltés au point de leur faire braver toutes les conséquences de leurs actes.

« La veille il était entré à cheval dans le magasin de Dorris, et comme on le priait de s’en aller, il avait tiré son revolver et menacé de tuer l’homme qui lui parlait. Dans un autre cabaret où il