La merveilleuse bonne d’enfants répond :
— Ta gueule !
La femme de chambre :
— Dort-il ?
— Il doit fumer. Il m’a dit : « Le chien est amoureux de vous, Tonietta. » Puis il a parlé de Maïa, une guenon qui lui a baisé la main au Thiergarten. « Cet animal a eu un geste plein de tendresse, disait-il ; ces nobles êtres meurent la plupart du temps de la poitrine. »
— Quel effet peut-il bien produire sur Madame ?! demande la femme de chambre.
— Oh ! qu’est-ce que cela fait ?! dit la bonne d’enfants. Mais, sur Monsieur ?!
Deux heures après Kœnigsberg s’éveilla.
Il sentait :
— J’ai aspiré des prairies.
Il y avait une visite dans la tente blanche du jardin.
Une noble dame avec un chapeau de paille français. orné de dahlias lilas, et sa fille âgée de quinze ans.
Kœnigsberg accompagna la jeune fille dans le jardin, lui en montrant les beautés.
— On dirait deux jardins, dit-elle ; l’un qui appartiendrait à un jardinier artiste et l’autre à un jardinier commerçant. Et puis, cela ne ressemble à aucun jardin, c’est ouvert...
— C’est comme le monde, dit-il.
Ils atteignirent la prairie et le massif de spirées aux allées étroites, semées de cailloux. Sa robe bruissait. Puis ils arrivèrent au banc d’où l’on avait vue sur la colline. Ils étaient enfermés de toutes parts.
Elle rougit, son noble sang se précipita à la surface de son corps pur et doux...
— Un drôle de jardin, dit-elle ; il est comme inculte ; on dirait un roman.
Mille vies se précipitèrent en lui. Il vit cette âme douce, tendre et fermée et ploya pour ainsi dire le genou devant elle. Plus tard, sa maman dit :
— Un drôle d’homme, ce monsieur Kœnigsberg. On dirait d’un acteur. Se moque-t-il des gens ?!
La jeune fille sentait :
— Il a ployé le genou devant moi... ! C’est un drôle de jardin... ! Monsieur Kœnigsberg, embrasse mes paupières fermées... !
Au soir, la bonne d’enfants alla voir le chien de garde qui s’étira et la laissa caresser son poil doux.
— Il m’aime vraiment, pensait-elle.
Elle sourit sur elle-même. « M. Kœnigsberg aime Maïa » pensait-elle.
Les fleurs rose-clair inconnues embaumaient. Au-dessus du champ s’étendait la blanche haleine de la terre.
La jeune maîtresse de la maison était assise avec son mari sur le banc d’où l’on avait vue sur la colline.